Certains tireurs fous connaissent leurs victimes, comme ce tueur en série de l'Arizona qui leur téléphonait avant de les assassiner. D'autres y vont totalement au hasard. Certains se plaisent à publier sur l'internet des photos d'eux-mêmes en être suprême armé, comme Kimveer Gill ou le tireur fou de Virginia Tech. D'autres ne semblent pas cultiver un tel narcissisme. Certains sont des êtres asociaux, seuls au monde, mais quantité d'autres ont une vie rangée, avec femme et enfants. La difficulté de dégager un portrait type du tueur en série rend la prévention d'autant plus difficile.

En 2005, au terme d'une conférence sur les tueurs en série, le FBI a mis en garde ses troupes contre les stéréotypes les plus courants.

Dans certains cas, le tueur aura une motivation idéologique sous-jacente, comme Marc Lépine, qui en voulait aux féministes, ou comme Anders Behring Breivik, allergique à l'immigration musulmane. D'autres agiront surtout sur le coup d'une impulsion sexuelle irrépressible.

D'autre part, a signalé le FBI au terme de son congrès de 2005, «la majorité des tueurs en série ne sont pas des monstres reclus ou des êtres asociaux». Le FBI a cité le cas de Robert Yates, marié, père de cinq enfants, pilote d'hélicoptère dans l'armée américaine, qui a tué 17 femmes dans l'État de Washington dans les années 90.

Denis Rader, qui a fait 10 victimes dans la région de Wichita entre 1974 et 1991, était marié, père de deux enfants, chef scout et président de son église locale.

Au Canada, le colonel Russell Williams, qui était toujours marié quand il a été arrêté, menait une belle carrière dans l'armée.

Le cas des écoles

Les tueries dans les écoles sont aussi bien particulières. En 2002, le FBI en avait passé 37 en revue. Dans 30 cas, le tireur avait annoncé ses intentions à au moins une personne; dans les deux tiers des cas, il s'était confié à plus d'une personne. Les victimes recherchées étaient moins souvent des élèves (dans 41% des tueries étudiées) que des professeurs, des directeurs ou d'autres employés de l'école (dans 54% des cas).

Le rapport des services secrets fait état d'un cas particulièrement ahurissant dans une école dont le nom n'est pas cité. Un élève avait planifié d'en tuer d'autres dans le hall de l'école, avant la cloche du matin. Il avait parlé de ses intentions à deux amis, de façon très détaillée. À trois autres amis, il avait demandé de le rejoindre ce matin-là à la mezzanine du hall, afin de les mettre à l'abri de la ligne de feu.

Le matin, habituellement, presque aucun élève ne se rendait sur la mezzanine. «Cependant, la rumeur que quelque chose devait se passer avait pris une telle ampleur que, ce matin-là, 24 élèves se sont retrouvés sur la mezzanine, attendant le début de l'attaque. Un élève qui était au courant de ce qui devait arriver avait même apporté un appareil pour prendre des photos de l'événement.»

Bien qu'il se spécialise dans l'analyse des tueries, Dewey Cornell, professeur de psychologie à l'Université de Virginie que La Presse a joint par téléphone, refuse de se lancer dans les hypothèses en ce qui a trait au tireur norvégien. «Pour l'heure, ce ne serait que pure spéculation. Il y a une telle variété de motivations -des gens qui agissent dans le plus grand secret et pour leur seul plaisir, d'autres qui sont animés de buts idéologiques- qu'il est trop tôt pour savoir de quoi il retourne dans ce cas précis.»