Au lendemain de la double attaque sanglante qui a fait au moins 92 morts à Oslo et dans ses environs, la Norvège à la réputation de pays paisible et connue pour décerner le prix Nobel de la paix, était sous le choc samedi.

Dans le centre-ville d'Oslo, les touristes et les Norvégiens prenaient en photo samedi après-midi les militaires déployés avenue Karl Johans Gate.

«On n'a jamais vu ça des militaires, ici», souligne Adrian Hinozosa Halaurd, 24 ans. Le jeune homme, qui travaille en centre-ville comme serveur, se dit «choqué». «Comment se sentir en sécurité, maintenant ?», s'interroge-t-il.

Les Norvégiens sont habituellement fiers du faible taux de criminalité de leur pays. Il n'est pas rare de croiser un ministre en tramway, à vélo ou à pied. Olav V, le père du roi actuel, n'hésitait pas à prendre le train avec le commun des mortels lorsqu'il souhaitait allait skier.

La sécurité du premier ministre avait toutefois été renforcée en 2003 après l'assassinat de la ministre des Affaires étrangères suédoise Anna Lindh.

«C'est un jour triste. Nous nous rendons compte que nous ne sommes pas si protégés que cela», regrettait samedi après-midi Anne Ronning, 49 ans.

«On ne peut plus penser que nous sommes en sécurité, car nous ne le sommes pas», s'inquiète-t-elle. «C'est triste de voir l'armée en ville, vraiment triste», surenchérit sa fille Samira Ronning, 22 ans.

«C'est une utopie de dire que rien ne va changer, évidemment que les choses vont changer maintenant», assure la mère de famille.

Le premier ministre Jens Stoltenberg a cependant jugé essentiel vendredi que la Norvège conserve ses valeurs d'ouverture et de transparence.

«Notre marque de fabrique, c'est une société ouverte, c'est une société sûre, où l'on peut avoir un débat politique sans être menacé. C'est cela qui est attaqué aujourd'hui, c'est cela qui est menacé et nous devons réagir pour que cela ne soit pas le cas», a-t-il dit.

«C'est aussi notre ouverture qui est attaquée, le fait que de nombreux jeunes puissent se réunir dans un camp d'été (...), aient des discussions, aient des opinions fortes et puissent le faire en sécurité, sans la présence de policiers. C'est une grande qualité de la société norvégienne qui est maintenant attaquée».

La jeunesse travailliste, décimée vendredi par la fusillade lors d'un camp d'été, a d'ailleurs annoncé son retour sur l'île d'Utoeya où le drame a eu lieu pour montrer qu'elle ne cède pas face à la terreur.

«AUF (le mouvement des jeunes travaillistes, ndlr) ne sera pas réduit au silence. Face à l'attaque haineuse et incompréhensible, nous lançons ce message: AUF et ses idées survivront comme ils l'ont toujours fait», a déclaré Eskil Pedersen, lui-même rescapé du massacre de l'île.

Plusieurs dirigeants politiques ont également estimé que, face à la terreur, le seul changement à envisager était d'accentuer les efforts en vue de davantage de démocratie, d'ouverture et de transparence.

«Ce que je crains au contraire, c'est que maintenant ils vont contrôler tout le monde alors qu'ici les gens sont tellement paisibles», explique Ivan Tarrès, 25 ans, originaire d'Argentine. «Ici, c'est tellement calme habituellement, aujourd'hui c'est une ambiance étrange», selon ce vendeur de souvenirs.

Sophie Monnet, 28 ans et Julien Valour, 30 ans , deux touristes français, étaient aussi venus pour la «tranquillité» de la Norvège. «On est arrivé ce matin et depuis on reçoit des SMS d'amis nous disant "n'y va pas c'est dangereux"», explique le jeune homme qui n'est «pas vraiment au courant de ce qui se passe».

«On s'est dit que c'était bizarre autant de militaires ici et les barrages policiers, ça change de l'ambiance norvégienne», explique son amie une fois informée.

Le couple a prévu d'écourter son séjour à Oslo.