Six semaines après Newtown, les démocrates ont lancé jeudi leur campagne au Congrès américain pour renforcer la législation sur les armes à feu et notamment les fusils semi-automatiques, mais les mesures sont loin de faire l'unanimité, y compris dans le parti de Barack Obama.

L'opposition dépasse le simple clivage entre républicains et démocrates et illustre la sensibilité du sujet, dans un pays où 40% des Américains possèdent une arme à feu, et où les pères fondateurs ont amendé la Constitution pour en garantir le droit.

Devant dix fusils et pistolets semi-automatiques exposés au Sénat, entourée de commissaires de police, la démocrate Dianne Feinstein a présenté un texte qui interdirait la vente, la fabrication et l'importation de nouvelles armes semi-automatiques de type militaire, et notamment le Bushmaster XM-15 utilisé par le tireur de l'école de Newtown, où 20 enfants ont été abattus le 14 décembre.

L'Amérique a déjà connu une telle interdiction, de 1994 à 2004, mais cette fois les démocrates veulent combler les failles de la vieille loi. À l'époque, le texte avait été facilement détourné par les fabricants, qui avaient sorti des copies des armes interdites, légèrement modifiées.

La nouvelle proposition de loi citerait nommément 157 fusils et pistolets d'assaut, dont ceux utilisés par les tireurs des dernières fusillades américaines, et interdirait toute arme comprenant au moins une caractéristique militaire.

Mais comme en 1994, la loi ne serait pas rétroactive et les propriétaires actuels n'auraient pas à rendre leurs armes. Seules la production et la vente de nouvelles armes seraient interdites, ce qui avait provoqué une accélération de la production dans les mois précédant la promulgation du texte en 1994.

La vente et le transfert de chargeurs de plus de 10 balles seraient aussi prohibés. Des vérifications d'identité et d'antécédents judiciaires seraient obligatoires pour les ventes d'armes d'assaut restées légales.

«On ne prend les armes de personne. Le but est d'assécher progressivement l'offre de ces armes», a cherché à rassurer la démocrate.

Pour convaincre les républicains et certains démocrates conservateurs de voter le texte, les auteurs de la loi ont pris soin d'exclure de leur texte 2258 fusils utilisés pour la chasse ou le tir sportif.

«Ca va être difficile»

Rares sont les républicains à avoir publiquement pris position pour un renforcement de la législation. Mais le parti démocrate est loin de pouvoir compter sur l'ensemble de ses 55 sénateurs, sur 100 sièges.

En 2004, six d'entre eux avaient voté contre le renouvellement de l'interdiction des armes d'assaut, arguant de son inefficacité. Au Congrès, la National Rifle Association (NRA) compte des centaines d'amis dans les deux partis. Beaucoup ont reçu son soutien financier.

«Les Américains savent que les interdictions d'armes à feu ne fonctionnent pas», a réagi jeudi la NRA.

Les partisans du texte sont conscients des difficultés. Le sénateur Richard Blumenthal reconnaît que «tout ne passera peut-être pas d'un coup». «Ca va être difficile», ajoute Dianne Feinstein.

Les sondages révèlent en fait une opinion divisée sur les armes d'assaut. Selon une enquête Washington Post/ABC publiée le 16 janvier, 58% des Américains soutiennent leur interdiction, mais selon un sondage Gallup, 51% y seraient opposés.

Pour faire pression sur les élus réfractaires, le gouvernement de Barack Obama veut porter la bataille hors des couloirs du Congrès, en appelant les Américains à écrire à leurs élus.

Lors d'un chat Google Hangout jeudi, le vice-président Joe Biden a rappelé que lui-même possèdait deux fusils de chasse.

Et de lancer, une énième fois: «Vous ne serez pas moins capables de vous protéger physiquement avec 10 balles dans votre chargeur au lieu de 30 ou 40».