Le président ivoirien Alassane Ouattara a choisi l'ancien premier ministre Charles Konan Banny pour diriger la «Commission pour le dialogue, la vérité et la réconciliation» en Côte d'Ivoire, où près de 3000 personnes ont été tuées lors de plus de quatre mois de crise post-électorale.

La création prochaine de cette commission, inspirée de celle mise en place en Afrique du Sud après la fin de l'apartheid, n'empêche pas les autorités de poursuivre leurs enquêtes visant le président déchu Laurent Gbagbo et les responsables de son régime.

«À ma gauche se trouve le premier ministre Charles Konan Banny. Il se trouve ici, car nous avons très prochainement l'intention de le nommer président de la Commission pour le dialogue, la vérité et la réconciliation», a déclaré à la presse M. Ouattara, juste avant de recevoir les membres du groupe dit des Elders (Anciens), des anciens dirigeants mondiaux oeuvrant pour la paix.

M. Banny, 69 ans, a été premier ministre de transition de Laurent Gbagbo de décembre 2005 à mars 2007, alors que la Côte d'Ivoire traversait une crise née en 2002 avec la tentative de coup d'État contre le président Gbagbo.

Cacique du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, ex-parti unique), diplômé de l'École supérieure de sciences économiques et commerciales (Essec) de Paris, il a dirigé la Banque centrale des États d'Afrique de l'ouest (BCEAO) entre 1990 et 2005.

Il s'était engagé derrière Alassane Ouattara lors de la campagne pour le second tour de la présidentielle de novembre 2010, après avoir soutenu Henri Konan Bédié au premier.

Le président Ouattara avait dit son intention de créer une «Commission Vérité et Réconciliation à l'image de ce qui a été fait en Afrique du Sud», et qui sera présidée par «un laïc accompagné par deux religieux: un chrétien et un musulman», dans une interview au quotidien français La Croix de jeudi.

«Nous avons ajouté le mot "dialogue" (pour le nom de la Commission) parce que c'est important dans la culture ivoirienne», a déclaré dimanche le chef de l'État, accompagné du premier ministre Guillaume Soro et de plusieurs membres du gouvernement, avant son entretien avec la délégation des «Elders».

Celle-ci se compose de l'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, de l'archevêque sud-africain Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix, qui a présidé la Commission de réconciliation en Afrique du Sud, et de l'ancienne présidente d'Irlande et ex-Haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Mary Robinson.

Les «Elders» ont prévu des rencontres avec des représentants de la société civile et de partis politiques, y compris celui du président déchu Laurent Gbagbo.

Leur visite a pour objectif de promouvoir «l'apaisement et la réconciliation», après une crise post-électorale qui s'est soldée le 11 avril par l'arrestation de M. Gbagbo et l'arrivée au pouvoir de M. Ouattara, vainqueur du scrutin du 28 novembre.

«On est venu apporter notre soutien aux Ivoiriennes et aux Ivoiriens, au pays et au gouvernement. Il y a énormément à faire, et par notre présence ici on veut savoir comment vous aider», a dit Kofi Annan, en qualifiant le processus de réconciliation d'«absolument nécessaire».

Desmond Tutu a salué «l'engagement du président et de ses ministres à guérir la nation» et à traiter «avec courtoisie» Laurent Gbagbo.

Les auditions de l'ex-chef d'État, de son épouse Simone et de quelque 200 anciens responsables de son régime assignés à résidence à travers le pays, doivent débuter mercredi.

M. Gbagbo est notamment accusé d'être responsable d'exactions, de concussion et d'appels à la haine.

Près de 3000 personnes ont été tuées lors des plus de quatre mois de crise et de combats en Côte d'Ivoire, selon les autorités. Les Nations unies font état de plus de 1000 morts.