Le président ivoirien Alassane Ouattara affermit son pouvoir moins d'une semaine après la chute de Laurent Gbagbo dont le parti rentre dans le rang après l'allégeance des chefs militaires, et il va saisir la justice du pays des «crimes» présumés commis par l'ancien régime.

Le ministre de la Justice, Jeannot Ahoussou Kouadio, a déclaré dimanche à l'AFP qu'il allait saisir le procureur d'Abidjan pour ouvrir des enquêtes contre les membres de l'ancien régime «susceptibles» d'avoir commis des «crimes de sang», «des achats d'armes» ou des «détournements d'argent».

Ces enquêtes pourraient concerner notamment «les membres du gouvernement» de M. Gbagbo, arrêté lundi dans sa résidence, mais aussi des journalistes de la Radio-télévision ivoirienne (RTI), qui a été un puissant instrument de propagande du pouvoir en place de 2000 à 2011, a-t-il précisé.

Dans les rues d'Abidjan dimanche, jour des Rameaux, les habitants étaient plus nombreux à sortir de chez eux.

Ils étaient restés cloîtrés pendant dix jours d'une guerre conclue lundi par l'arrestation de l'ex-président Laurent Gbagbo par les Forces républicaines (FRCI) de M. Ouattara, appuyées par la France et l'ONU.

«Il y a beaucoup de personnes dans les rues et dans les églises, notamment des enfants. Il y a plus de circulation, de petits commerces sont ouverts. La situation est de plus en plus normale, même si elle ne l'est pas complètement», a témoigné un habitant du quartier de Koumassi (sud).

La journée de lundi devrait être cruciale pour le nouveau pouvoir qui a appelé les fonctionnaires à reprendre «impérativement» le travail ce jour-là. Les enseignants devront par exemple préparer la rentrée des classes prévue officiellement le 26 avril.

Samedi soir, le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de M. Gbagbo, a pris acte de la nouvelle donne et appelé à «arrêter la guerre» et «l'escalade de la violence», notamment à Yopougon (ouest). Ce quartier pro-Gbagbo n'est pas encore totalement maîtrisé par les FRCI, qui y affrontent toujours des milices.

«Nous devons arrêter l'escalade de la violence et de la déchéance», a déclaré le président du FPI Pascal Affi N' Guessan, accompagné de l'ex-ministre des Affaires étrangères de M. Gbagbo, Alcide Djédjé.

M. Affi a prôné la «réconciliation» avec le camp Ouattara et appelé le nouveau régime à mettre fin aux «arrestations arbitraires» et à libérer les personnes arrêtées, dont M. Gbagbo afin qu'il prenne «part à la réconciliation nationale».

Près de cinq mois de crise postélectorale ont fait près de 900 morts selon les Nations unies.

L'ex-président ivoirien a été placé mercredi en résidence surveillée dans le nord du pays. Selon M. Djédjé, il se trouve à Korhogo, la grande ville de la région et fief d'Alassane Ouattara. Simone Gbagbo, épouse du président déchu, est retenue au Golf hôtel, le QG de M. Ouattara et de son équipe depuis l'élection du 28 novembre.

Le gouvernement a libéré samedi près de 70 personnes, membres de la famille et employés de maison de M. Gbagbo, qui avaient été arrêtées lundi avec lui dans la résidence présidentielle et étaient détenues depuis au «Golf». Y restent une cinquantaine de personnes, selon les autorités.

Dans son QG qu'il ne pourra quitter avant plusieurs semaines -le temps de remettre en état et sécuriser le palais présidentiel où quelque 500 roquettes ont été découvertes dans les sous-sols-, Alassane Ouattara a obtenu ces derniers jours l'allégeance des principaux chefs de l'armée et des forces de sécurité de l'ancien régime.

Les FRCI ont aussi arrêté le général Bruno Dogbo Blé, qui commandait la redoutée Garde républicaine ivoirienne, pilier de l'appareil sécuritaire de l'ex-président Gbagbo.

En revanche, l'incertitude persistait concernant le sort de Charles Blé Goudé, chef des «jeunes patriotes» pro-Gbagbo, que le camp Ouattara avait dit vendredi avoir appréhendé, avant de se rétracter.