Les forces d'Alassane Ouattara ont engagé lundi leur offensive sur Abidjan pour réduire les bastions de Laurent Gbagbo, alors que la France regroupait des ressortissants vivant dans la métropole ivoirienne livrée au chaos.

«C'est l'offensive qui est lancée», a déclaré le porte-parole de Guillaume Soro, Premier ministre d'Alassane Ouattara, le président reconnu par la communauté internationale.

Après avoir conquis en quatre jours la semaine dernière le reste du pays, les forces pro-Ouattara avaient investi Abidjan mais échoué à prendre leurs deux objectifs majeurs: le palais présidentiel dans le quartier du Plateau (centre) et la résidence officielle du président sortant Laurent Gbagbo (Cocody, nord).

«À 13H00 (locales et GMT), les mouvements ont commencé à travers quatre grands corridors. Nous sécurisons pendant notre passage. L'objectif, c'est de converger vers le Plateau et Cocody», a dit à l'AFP le porte-parole Sidiki Konaté.

«On a reçu des renforts en personnel et en matériel militaire, des armes lourdes», a indiqué une source à l'état-major des Forces républicaines (pro-Ouattara).

Depuis dimanche, la situation avait été relativement calme sur les deux sites majeurs d'Abidjan. Des jeunes femmes et des enfants se hasardaient lundi matin dans les rues désertes pour aller chercher de l'eau, plusieurs secteurs subissant des coupures.

Dans la capitale économique, théâtre depuis jeudi soir de combats et de pillages, la France a entamé le «regroupement» de ses ressortissants.

«Les opérations de regroupement ont commencé sur la base du volontariat. Deux nouveaux points de regroupement ont été établis, l'un à l'hôtel le Wafou au sud des ponts et l'autre à l'ambassade de France au Nord», a indiqué le ministère français des Affaires étrangères.

Le troisième point de regroupement est le camp militaire français de Port-Bouët, où plus de 1 650 ressortissants étrangers, dont environ la moitié de nationalité française, avaient déjà trouvé refuge dimanche matin. 167 d'entre eux sont partis dimanche pour Lomé ou Dakar, et 250 lundi.

Le Quai d'Orsay évalue à 12.200 le nombre de Français actuellement en Côte d'Ivoire, dont 11 800 à Abidjan. Quelque 7 300 ont la double nationalité.

La France a envoyé lundi 150 soldats supplémentaires pour protéger les expatriés à Abidjan, portant l'effectif de la force Licorne à environ 1 650 hommes.

Mais le gouvernement Gbagbo a assuré qu'«en dépit de manoeuvres de la France tendant à semer la mort en Côte d'Ivoire, les Forces de défense et de sécurité (FDS) assurent la sécurité des ressortissants français», selon un bandeau déroulant de la télévision d'Etat RTI contrôlée par M. Gbagbo.

La Commission européenne a appelé les deux rivaux ivoiriens à «protéger les civils» et à tout faire pour éviter de faire basculer «davantage» leur pays dans la guerre civile, après le massacre de plusieurs centaines de personnes dans l'Ouest.

Arrivé dimanche à Abidjan, le secrétaire général adjoint de l'ONU chargé des droits de l'Homme, Ivan Simonovic, «a exprimé sa vive préoccupation par rapport à la détérioration de la situation des droits de l'homme entachée de massacres à l'Ouest et de nombreuses exactions contre les populations civiles».

Selon l'ONU et plusieurs organisations internationales, la prise mardi 29 mars par les combattants d'Alassane Ouattara de Duékoué, important carrefour de l'Ouest, s'est accompagnée de massacres à grande échelle, les bilans allant de 330 tués à un millier de «morts ou disparus».

Selon l'ONU, «la plupart» des 330 morts de Duékoué ont été victimes de combattants de M. Ouattara, les autres essentiellement de miliciens et mercenaires libériens pro-Gbagbo.

Le camp Ouattara a vivement contesté ces «allégations», affirmant que tous les tués étaient des «miliciens». Ses Forces républicaines ont annoncé avoir «compté» 152 corps à Duékoué et non des centaines.

Les avocats de M. Ouattara ont dénoncé lundi une «exploitation politique» et souligné l'importance de «la preuve» de crimes. Ils avaient adressé le 9 mars un «mémorandum» à la Cour pénale internationale (CPI) accusant Laurent Gbagbo et ses services de sécurité de «crimes contre l'humanité».