Après le président Lech Kaczynski, ce fut au tour de sa femme Maria de recevoir des hommages, hier. Le corps de la première dame a atterri à Varsovie en matinée. Des milliers de personnes ont bravé le froid et la pluie pour s'agenouiller devant les cercueils du couple présidentiel, mort en Russie samedi. Au troisième jour de deuil national, les larmes ont continué à couler comme la cire des lampions dans les rues de la capitale.

«Nous attendrons sous la pluie aussi longtemps qu'il le faudra.» Bozena Nowak, 58 ans, a fait quatre heures de route avec sa famille pour prier devant le cercueil du président polonais et, surtout, celui de sa femme Maria Kaczynska, au palais présidentiel.

 

«C'était une grande femme, si simple et chaleureuse. Son mari, elle et leur fille Marta étaient le modèle d'une famille unie», a dit Mme Nowak, dont les yeux brouillés par les larmes parcouraient la file interminable devant elle.

La dépouille de la première dame a rejoint celle de son mari hier, après une brève cérémonie solennelle sur le tarmac de l'aéroport Frédéric Chopin. Comme au passage du cortège de son mari, des milliers de personnes ont jeté des fleurs sur le corbillard de Maria Kaczynska.

Les chaînes de télévision ont diffusé des émissions spéciales sur la femme de 66 ans, passionnée de théâtre et de musique.

«Il y a deux ans, elle a plaidé en faveur d'un durcissement de la loi sur l'avortement. C'était une sortie très controversée. Elle avait le courage de ses opinions», a dit à La Presse Barbara, 65 ans, qui a préféré taire son nom de famille.

Messe spéciale

En début de journée, les parlementaires ont déposé des fleurs sur les sièges vides de leurs collègues tués dans l'écrasement d'avion de samedi.

Vers 15h30, les députés ont assisté à une messe spéciale offerte par l'ancien primat de Pologne, l'archevêque Jozef Glemp, à la cathédrale Saint-Jean de Varsovie. La plupart étaient vêtus de longs manteaux noirs.

Des admirateurs, dont certains avaient les cheveux mouillés par la pluie, ont réussi à se masser dans la nef.

«Le président et sa femme étaient de bons catholiques, a dit Jolenta Smolenska, 70 ans, en se tordant les mains. Lech Kaczynski s'est tellement battu pour que les injustices contre les Polonais, comme le massacre de Katyn, soient connues. Il est le père de la Pologne moderne.»

Soudain, alors que l'orchestre de la cérémonie entonnait le Requiem de Mozart, la femme a éclaté en sanglots.

Un «endroit maudit»

En ce qui a trait à l'enquête, l'hypothèse qu'un incendie ou une explosion ait pu causer la tragédie aérienne a été écartée hier. Par ailleurs, les contrôleurs russes ont admis que des barrières linguistiques avaient gêné leur communication avec les pilotes polonais.

Maria et Lech Kaczynski seront inhumés dimanche prochain à Cracovie. La Maison-Blanche a confirmé hier la présence de Barack Obama aux obsèques. L'Élysée en a fait de même pour Nicolas Sarkozy.

Un dernier hommage à la mémoire des 96 hauts dignitaires qui ont péri à Smolensk se tiendra dans la capitale la veille.

Przemyslaw Kaminski, qui a perdu un proche dans l'accident, y sera. Le cousin de sa mère, Stefan Melak, était le président du Comité de Katyn, organisation réunissant les familles des officiers polonais morts dans le massacre de 1940.

L'homme de 26 ans n'a pas fermé l'oeil depuis samedi. Il fait pétition pour qu'une rue de Varsovie porte le nom du militant. Interrogé sur la terrible ironie faisant que son cousin germain est mort près de Katyn, il a répondu: «Cet endroit est maudit.»

Devant le palais présidentiel, un écran géant retransmettait les images de personnes qui s'agenouillaient pieusement devant les cercueils du couple Kaczynski en faisant le signe de croix.

Katia Tuznik est sortie du palais aussi vite qu'elle y est entrée. «Nous avions seulement quelques secondes pour nous recueillir, dit la femme de 31 ans. Ma mère a attendu trois heures pour nous faire entrer.»

Le député Michail Stuligrosz réfléchissait, quant à lui, à l'impact que la mort de Kaczynski aura sur la politique polonaise. «Nous avons pleuré pendant deux jours. Il y avait une ambiance très spéciale au Parlement aujourd'hui. Pour une fois, nous avons mis nos différences de côté. Peut-être que cette tragédie aura du bon pour notre pays», a-t-il dit, la gorge nouée.