Les enquêteurs français de la catastrophe du vol Rio-Paris ont identifié une série de défaillances des pilotes de l'Airbus d'Air France accidenté en 2009, qui a fait monter la compagnie au créneau vendredi pour défendre son équipage dans ce dossier aux enjeux énormes.

Dans son dernier rapport, le Bureau d'enquêtes et d'analyse (BEA) relève que les pilotes n'ont pas apporté les bonnes réponses aux deux principaux incidents des dernières minutes du vol: la perte des indicateurs de vitesse, à laquelle ils n'étaient pas entraînés à faire face, et le décrochage de l'appareil, c'est-à-dire sa chute brutale.

Ils n'ont notamment pas «formellement identifié la situation de décrochage», malgré l'alarme qui a retenti de façon continue pendant près d'une minute.

Ils n'ont pas non plus appliqué la procédure requise après le givrage et l'arrêt du fonctionnement des sondes Pitot de mesure de vitesse, ajoute le BEA, notant toutefois qu'ils n'avaient «pas reçu d'entraînement à haute altitude» pour répondre à une telle situation.

Les enquêteurs soulignent également que les tâches n'étaient pas réparties «de façon explicite» dans le cockpit, après que le commandant de bord se fut retiré pour un moment de repos. Ils notent par ailleurs qu'aucune annonce n'a été faite par l'équipage aux passagers dans les dernières minutes du vol.

«Rien ne permet à ce stade de remettre en cause les compétences techniques de l'équipage», a immédiatement réagi Air France dans un communiqué qui met aussi en cause la fiabilité de l'alarme de décrochage de l'Airbus.

«Les multiples activations et arrêts intempestifs et trompeurs de l'alarme de décrochage, en contradiction avec l'état de l'avion, ont fortement contribué à la difficulté pour l'équipage d'analyser la situation», estime la compagnie.

C'est le décrochage de l'A330, signifiant que l'avion n'était plus porté par l'air, qui a entraîné sa chute vertigineuse de 11 500 mètres en moins de trois minutes jusqu'à son impact à la surface de l'eau.

Tout commence le 1er juin 2009 peu après 2h du matin, lorsque les sondes Pitot, censées mesurer la vitesse, givrent. Les indications de vitesse dans le cockpit ne sont plus cohérentes.

Le pilotage automatique se désactive. L'un des copilotes, âgé d'une trentaine d'années, prend les commandes manuellement. Là, il n'applique pas la procédure requise face aux pertes de vitesse, nommée «IAS (Indicated Airspeed, ndlr) douteuse», relève le rapport du BEA.

Les deux copilotes n'avaient «pas reçu d'entraînement à haute altitude à la procédure «IAS douteuse» et au pilotage manuel», précisent les enquêteurs. Le commandant de bord était à ce moment-là en repos.

L'alarme de décrochage sonne alors deux fois, puis s'arrête. Elle repart ensuite pendant 54 secondes, assortie d'une voix synthétique répétant «STALL» (ndlr, décrochage en anglais) puis s'arrête à nouveau face à l'angle prononcé pris par l'avion. Elle se réactivera peu avant l'écrasement.

Le rapport du BEA, le troisième depuis l'accident qui a coûté la vie à 228 personnes, s'appuie sur l'analyse des données des boîtes noires de l'avion, repêchées fin mai après un séjour record de 23 mois au fond de l'Atlantique.

Il est accompagné d'une série de recommandations visant à améliorer la sécurité aérienne.

Il faudra en revanche attendre le rapport final, qui sera «probablement» publié au premier semestre 2012 selon le BEA, et la décision de la justice pour déterminer les responsabilités, alors qu'Air France et Airbus sont mis en examen (inculpés) pour homicide involontaire.

Plus de deux ans après le crash, la catastrophe du Rio-Paris n'a toujours pas été élucidée précisément. Jusqu'à présent, le givrage des sondes Pitot de l'équipementier français Thales était la seule défaillance établie, mais les enquêteurs ont toujours estimé qu'elle ne pouvait expliquer à elle seule l'accident.