Air France a connu au moins cinq incidents d'A330-A340 en 2008 liés aux sondes Pitot de mesures de vitesses qui ont donné lieu à de faux messages d'alarmes, dont celui de «décrochage», selon un rapport d'incidents de la compagnie de septembre 2008 auquel l'AFP a eu accès jeudi.

Les sondes défectueuses de l'A330 d'Air France qui s'est abîmé en mer le 1er juin sont mises en causes par les syndicats mais le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) chargé de l'enquête technique a souligné qu'il n'y avait «encore aucun lien établi» entre ces sondes et la catastrophe.

Air France a fait état dans une note interne de novembre 2008, tirée du rapport d'incidents, d'un «nombre significatif d'incidents» liés aux calculateurs de vitesse survenus sur des A330-340 de la compagnie en vitesse de croisière.

Les cinq incidents figurent dans un rapport de sécurité (Air safety report, ASR) établi par la compagnie, daté du 12 septembre 2008, et authentifié par des pilotes de la compagnie. Pour assurer l'anonymat des pilotes, les dates des incidents, qui ont eu lieu dans les mois précèdant ce type de rapport, ne sont pas mentionnnés.

Ils concernent un vol AF 279 sur A340 entre Tokyo et Paris, une liaison entre Paris-Roissy et Antananarivo, un AF 101 entre Canton et Paris, un AF 422 entre Paris-Roissy et Bogota, et un vol entre Paris-Roissy et New-York.

«Ce sont tous des incidents graves», a commenté pour l'AFP Guy Ferrer, du syndicat Alter, minoritaire chez Air France. «Ils sont tous liés aux Pitots dans des conditions de givrage ou de turbulences», a-t-il expliqué.

Sur le vol Tokyo-Paris, «les premières actions de maintenance ont permis de mettre en évidence une obstruction des trous de drainage des 3 sondes Pitots (...) vraisemblablement à l'origine des perturbations anémométriques (ndlr: mesure de vitesse) rencontrées sur cet avion», indique le document.

Si le drainage ne peut se faire, la sonde peut givrer et provoquer des dysfonctionnements en chaîne dus à une mauvaise mesure de la vitesse.

Le document évoque un «reporting complet» fait à Airbus en raison «d'autres cas similaires rencontrés sur la flotte A330/A340» et «fréquemment rencontrés sur la flotte A320» pour laquelle les sondes ont été remplacées.

Sur le Paris-Antananarivo, le pilote fait d'une alarme de vitesse incohérente, suivie de l'alarme «Stall stall stall» qui indique que l'appareil décroche.

De même, le pilote du vol Paris-Bogota fait état de «pertes des 2 infos vitesse... avec alarme Stall». Alors qu'il commençait la procédure prévue en cas de décrochage et qu'il s'apprêtait à envoyer un «mayday» (SOS), les écrans sont revenus à la normale.

«C'est très stressant. C'est une alarme qui retentit avec un gros panneau qui clignote qu'on ne peut pas arrêter», a expliqué M. Ferrer.

«Ce qui peut arriver c'est qu'on entre dans la mauvaise procédure à cause des alarmes», a-t-il dit.

Selon les experts, plus l'altitude est élevée et plus la marge de manoeuvre d'un avion en matière de vitesse est réduite. A très haute altitude, la marge est d'environ 30 à 40 noeuds (entre 55 et 75 km/heure). Si la vitesse est trop faible, l'appareil risque de décrocher, et s'il va trop vite, il risque de se disloquer.

La direction d'Air France s'est dite jeudi «pas convaincue que les sondes sont la cause de l'accident». Elle a accéléré son programme de remplacement des sondes Pitot sur les A330/A340, après l'accident.