Victor Armony n'est pas croyant. Cet Argentin admet toutefois du bout des lèvres qu'il ressent une certaine fierté par rapport à ce pape argentin. Lorsqu'il sera à Rome, l'été prochain -il assure que le voyage était déjà prévu -, l'idée d'entendre le pape François parler avec un accent argentin ne lui déplaît pas.

«Je n'ai pas beaucoup de sympathie pour l'Église catholique comme acteur moral, mais je comprends parfaitement que mes compatriotes soient fiers et contents», a dit le professeur de sociologie à l'Université du Québec à Montréal.

Pour Pablo Rodriguez, ancien député fédéral d'origine argentine, cette nomination est un baume pour son pays. «Dans les dernières décennies, l'Argentine a connu des périodes très difficiles, comme la dictature, la crise économique...»

«Tout comme un championnat de foot, c'est redevenir important dans le monde», a ajouté M. Armony. Mais il ne se réjouit pas complètement. L'homme qui est arrivé au Québec en 1989, à l'âge de 25 ans, a connu la dictature militaire.

«L'Église catholique, comme institution, a été plutôt complice de la dictature, et l'image d'une Église réactionnaire qui cautionnait les violations des droits de la personne m'est restée», a-t-il expliqué.

Les Argentins connaissent bien Jorge Mario Bergoglio. Il s'est imposé, au cours des dernières années, comme figure de l'opposition au mariage gai, pourtant légalisé en 2010.

«Les classes moyennes progressives ont été heurtées par ses positions, estime M. Armony. Ce n'est pas tout le monde qui l'aime.» Et dans le contexte où le débat sur l'avortement pointe le bout du nez au pays du tango, le poids d'un pape argentin ne sera pas négligeable.

«Ça lui conférera une stature, tout ce qu'il dira aura un impact plus important sur le débat interne», a dit le professeur Armony.

M. Rodriguez espère tout de même que ce pape saura s'ouvrir aux idées nouvelles. «C'est la seule façon d'aller chercher de nouveaux adeptes, a-t-il indiqué. J'espère qu'il ouvrira les fenêtres et aérera l'Église, qui s'est un peu empoussiérée.»

Diego Medina-Creimer est beaucoup moins optimiste. Cette nomination n'inspire que de l'inquiétude à cet ancien journaliste arrivée d'Argentine en 1999. «Sous la dictature, il [Mgr Bergoglio] a entretenu des liens avec les militaires, soutient-il. Il a un passé très houleux, il est homophobe et il vient d'un courant de droite ultraconservatrice. Mgr Ouellet est un carré rouge à côté de lui.»

Bref, il n'attend pas de ce pape qu'il soit le prochain Che du catholicisme. «Il aurait fallu un pape du mouvement des prêtres du tiers-monde, mais la plupart ont été tués pendant la dictature, dit-il. J'ai reçu des messages de félicitations de gens qui ne connaissaient pas le personnage, mais il n'y a pas de quoi être fiers, ça me fait honte.»