Premier pontife du continent américain, le pape François a fait ses premiers pas dans la discrétion jeudi, au lendemain d'une élection historique qui insuffle un vent d'espoir pour une Église dans la tourmente.

L'humble Jorge Mario Bergoglio, jusqu'ici archevêque de Buenos Aires, a prié la Vierge Marie lors d'une visite «privée», au petit matin dans la basilique Sainte-Marie-Majeure.

Vêtu d'une soutane blanche, sans apparat, souriant et chaleureux, il a déposé un bouquet de fleurs «très simple», a raconté Giuseppe, l'un des quinze séminaristes, religieuses et prêtres qui ont pu assister à la première sortie du pape argentin.

Le 266e pape de l'Histoire a salué personnellement, un à un, les confesseurs dans la basilique : «Vous êtes des confesseurs, alors soyez miséricordieux envers les âmes, elles en ont besoin», leur a-t-il recommandé.

«C'était une rencontre émouvante, pleine de bonté et d'humilité», a commenté le père Ludovico Melo, un autre des participants.

Issu d'Amérique latine, le continent le plus catholique du monde, le nouveau pape a choisi le nom de François, du nom de l'un des saints les plus populaires du christianisme : Saint-François, le «poverello» d'Assise, l'homme qui, en plein treizième siècle, avait voulu réformer l'Église par la simplicité et la pauvreté.

«C'est un message d'espoir pour les masses déshéritées du Tiers Monde avec un pape qui connaît de près leur condition», a dit le vaticaniste Marco Politi.

«Les premiers gestes et paroles de (Jorge Mario) Bergoglio devenu pape sont déjà un programme», a souligné la responsable du service français de Radio Vatican, Romilda Ferrauto.

Les cardinaux, a-t-elle noté, ont élu «un homme connu pour sa simplicité», «loin des luttes de pouvoir», un homme qui souhaite «un retour aux origines» de l'Église.

Imprimant dès les premières heures de son pontificat, un total détachement des ors du pouvoir, le nouveau pape a pris son petit-déjeuner avec six autres cardinaux dont le cardinal français André Vingt-Trois. La veille, il avait refusé la voiture spéciale qui devait le reconduire de la basilique à la maison Sainte-Marthe, entrant dans le minibus avec ses «frères» cardinaux, selon le témoignage des cardinaux français.

Dans l'après-midi, il devait célébrer une messe avec ses 114 «frères» cardinaux qui l'ont élu pape en l'espace de cinq scrutins, dans l'un des conclaves les plus rapides de l'histoire.

Il les retrouvera sous les voûtes peintes par Michel-Ange qui évoquent la création du monde et le jugement dernier.

François doit aussi rendre visite, à une date encore inconnue, au pape émérite Benoît XVI, retiré dans la résidence pontificale de Castel Gandolfo au sud de Rome, depuis sa démission historique le 28 février.

En 2005, Jorge Mario Bergoglio était l'un des favoris face au cardinal Joseph Ratzinger.

Selon le vaticaniste de l'agence spécialisée sur le Vatican I.Media, Antoine-Marie Izoard, le cardinal Bergoglio avait alors refusé son élection. «Ce qu'il s'est passé, ça on le sait avec quasi certitude (....) Le cardinal Bergoglio aurait pleuré il y a 8 ans quand il a vu que les voix montaient et qu'il pourrait être élu pape pour remplacer Jean Paul II. Il avait trouvé la charge trop lourde, et dit : non, laissez la main à Ratzinger, moi je ne peux pas, je ne le sens pas. On sent bien là le pauvre, le jésuite, le religieux dans sa grande humilité comme on l'a vu ce soir».

Cette fois, l'élu argentin a déjoué tous les pronostics face à des favoris italien, brésilien ou québécois, et totalement réussi son entrée, captant les faveurs des journalistes les plus critiques, relèvent tous les observateurs du Vatican.

«Que dieu vous pardonne»



Le nouveau pape François a plaisanté à propos du choix des cardinaux en leur lançant «que Dieu vous pardonne», a raconté jeudi le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi.

«Après le conclave, il y a eu un dîner joyeux à la maison Sainte-Marthe» où logeaient tous les cardinaux ayant participé à l'élection du pape, «et à la fin au cours d'un toast il a dit aux cardinaux : "que Dieu vous pardonne pour ce que vous avez fait"», a rapporté le père Lombardi.

L'enthousiasme et l'émotion sur une place Saint-Pierre pleine de monde ont été portées à leur comble en quelques instants, grâce à une attitude simple et des premiers gestes pleins de symboles.

Dans son apparition, il a rappelé un peu l'humour de Jean Paul II avec sa boutade - «On dirait que mes frères cardinaux sont allés prendre l'évêque de Rome presque au bout du monde» - et la bonhomie et l'humilité de Jean XXIII, y compris dans la tonalité de sa voix, quand il a dit «Bonne nuit».

Un geste surtout a été retenu, qui restera dans l'histoire : «Je veux vous demander une faveur, avant de vous donner ma bénédiction, je vous demande votre prière, qui est la bénédiction du peuple pour son évêque». Et il s'est incliné, alors que la foule priait dans un silence étonnant.

De même, il est apparu sans étole, ne l'a mise sur ses épaules que pour la bénédiction, l'a enlevée à nouveau à la fin.

L'enthousiasme s'est répercuté aussi en Amérique latine, à la hauteur de ce moment historique pour l'Église, qui a élu le premier pape du continent américain, le premier pontife jésuite, le premier à choisir le nom de François.

L'influence de Chavez



La mort du président vénézuélien Hugo Chavez a certainement influencé le choix du premier pape sud-américain, a plaisanté Nicolas Maduro, le président par intérim du Venezuela.

«Nous savons que notre commandant est désormais au Ciel où il a rencontré le Christ, face à face», a lancé Maduro dans un éclat de rire, lors d'une réunion retransmise par la télévision nationale mercredi soir, une semaine après le décès du président Hugo Chavez des suites d'un cancer.

«Quelque chose a dû influencer le cours des choses de sorte qu'un pape sud-américain a été choisi. Il y a eu une nouvelle donne et le Christ a dit : "l'heure de l'Amérique du Sud a sonné", c'est comme cela qu'on voit les choses», a poursuivi, hilare, Maduro, dont Chavez a fait son dauphin et qui se présente à l'élection présidentielle du 14 avril.

«Un de ces jours, Chavez va convoquer une assemblée constituante au Ciel pour changer l'Église dans le monde, pour que ce soit le peuple, le vrai peuple du Christ, qui gouverne le monde», a conclu l'héritier politique de Chavez, chantre d'un «socialisme du 21e siècle» mais aussi catholique fervent.

Un agenda chargé

Le nouveau pape a déjà un agenda assez chargé pour les jours prochains.

Vendredi matin, il recevra l'ensemble du collège cardinalice dans la magnifique Salle Clémentine. Puis, le lendemain, il rencontrera, comme Benoît XVI l'avait fait, les journalistes et les responsables de la communication.

Dimanche, il récitera le traditionnel Angélus depuis l'appartement papal. Enfin, la messe d'installation du pontificat - où sont attendus des chefs d'État et de gouvernement - aura lieu mardi, jour de la Saint Joseph, patron de l'Église, dans la basilique Saint-Pierre. Benoît XVI n'y assistera pas, fidèle à sa volonté de se retirer complètement.

Le lendemain, le nouveau pape rencontrera des délégations des autres Églises chrétiennes venues pour sa messe d'inauguration.

Le théologien contestataire suisse Hans Küng a salué l'élection du cardinal argentin comme «le meilleur choix possible», celui d'«un Latino-Américain ayant une ouverture d'esprit, qui a toujours conduit une vie simple, loin des grands palais somptueux du pouvoir».