Le cardinal Marc Ouellet a-t-il négocié en douce la retraite d'un homologue britannique soupçonné d'agressions sexuelles afin d'étouffer l'affaire? C'est ce que rapporte la presse britannique, qui fait enquête sur le prélat Keith O'Brien, qui a démissionné le 25 février dernier. Cinq hommes l'accusent d'avances sexuelles non sollicitées.

Le Vatican avait préapprouvé sa démission le 12 novembre dernier. Normalement, elle n'aurait pris effet qu'à son 75e anniversaire, le 17 mars.

Son départ a finalement été précipité, deux jours après la publication, le 23 février, d'allégations d'agressions sexuelles dans la presse britannique.

Or, le Vatican aurait été au courant des agissements de Keith O'Brien dès octobre dernier. Une des victimes, un prêtre dont l'identité n'a pas été révélée, aurait porté plainte auprès du Saint-Siège à ce moment.

Selon le quotidien britannique The Times, c'est le cardinal Ouellet qui aurait organisé le départ à la retraite du cardinal O'Brien, en novembre. En tant que préfet de la Congrégation des évêques, il est responsable de leur nomination et de leur renvoi.

D'ailleurs, dans une entrevue à la CBC enregistrée samedi dernier, le cardinal Ouellet n'a pas contredit le journaliste Peter Mansbridge lorsqu'il a suggéré qu'il avait «négocié» le départ d'O'Brien.

«D'après ce que des journaux racontent, vous avez joué un rôle de premier plan dans les négociations avec un cardinal qui a pris sa retraite», a expliqué le journaliste en abordant la question des agressions sexuelles, sans que son interlocuteur ne nie l'information.

Les journalistes se sont heurtés à un mur de silence au sujet de cette affaire cette semaine au Vatican. «Je n'ai aucune information additionnelle», a simplement commenté le porte-parole Federico Lombardi.

Les vaticanistes, de leur côté, se montrent prudents et soutiennent qu'il est difficile de savoir ce que Marc Ouellet savait exactement et à quel moment. «Il y a beaucoup d'inconnues dans cette histoire», affirme Gerard O'Connell, journaliste pour Vatican Insider.

Le journaliste qui a révélé cette affaire insiste toutefois sur le fait que ses sources sont fiables. «Je n'ai pas parlé directement au prêtre qui s'est rendu au Vatican, car on le protège, a expliqué à La Presse Mike Wade, du Times. Mais mes sources sont bien placées dans l'Église d'Écosse, je leur fais entièrement confiance. Qui plus est, personne n'a démenti la nouvelle. On ne fait que s'abstenir de répondre.»

Réactions au Québec

L'ancien attaché de presse du cardinal Ouellet, Jasmin Lemieux-Lefebvre, qualifie l'histoire de «pétard mouillé».

«J'ai entendu des personnes parler, qui se demandaient si des gens veulent torpiller la candidature de Marc Ouellet. Pour ma part, je crois que c'est un tour de force. Mgr Ouellet a réussi à obtenir la démission de Keith O'Brien avant la tenue du conclave, explique M. Lemieux-Lefebvre. C'est loin de nuire à sa candidature.»

La Dre Marie-Paul Ross, sexologue et religieuse, espère que le nouveau pape réformera l'approche de l'Église envers la sexualité.

«Le nouveau pape doit s'entourer de spécialistes pour bien parler de la sexualité humaine, car c'est une science complexe. L'Église ne sait pas quoi faire avec ça, car elle ne comprend pas. L'Église a besoin de réformes, c'est clair, et d'un prophète pour le faire», dit-elle, sans préciser si Mgr Ouellet est l'homme de la situation.

- Avec Hugo Pilon-Larose