Les cardinaux américains ont lancé une offensive pour demander que les problèmes de gouvernance de l'Église soient mis sur la table et empêcher le pré-conclave et le conclave d'être de simples chambres d'enregistrement des volontés de la curie.

Depuis le début des congrégations, lundi à Rome, les Américains, relayés par leurs puissants médias, dominent nettement leurs pairs en termes de communication, avec des séances d'information quotidiennes.

S'exprimant au collège pontifical nord-américain, les cardinaux les plus en vue, Sean O'Malley (Boston) que l'on cite comme «papabili», Francis George (Chicago), Donald William Wuerl (Washington) et Timothy Dolan (New York), le plus médiatique, connu pour sa contestation du programme de santé de l'administration Obama, occupent le devant de la scène.

Ils le font sans jamais violer leur serment de garder le secret sur la teneur des débats des «congrégations», mais en disant ce qu'ils ont sur le coeur quant aux problèmes de l'Église.

Avec les Chevaliers de Colomb et d'autres organismes caritatifs, les catholiques américains sont en effet présents partout dans les pays du sud, où ils ont de multiples antennes et ils sont les premiers contributeurs aux oeuvres du Saint-Siège.

Ayant mal vécu «Vatileaks» et les scandales des dernières années, ils se réclament un droit de regard, demandant des comptes, une ouverture et une modernisation de la communication du plus petit État du monde.

«Il y a à l'évidence dans le monde catholique beaucoup de réflexions en cours sur la gouvernance de l'Église catholique et la manière de l'améliorer. Je sais que Vatileaks a fait les Unes pendant longtemps, mais je ne peux prédire quelle sera l'importance de ces questions pour le conclave», a lancé Sean O'Malley, cardinal à barbe blanche et tenue de moine capucin, populaire pour avoir lutté avec détermination contre le fléau des prêtres et religieux pédophiles à Boston.

«C'est Alice au pays des merveilles», a-t-il en revanche lancé en réponse à une question sur sa candidature supposée à la papauté.

Le cardinal George a renchéri au sujet de l'Église à Rome : «j'imaginerais qu'à mesure que nous avancerons, il y aura des questions aux cardinaux, qui sont impliqués dans le gouvernement de la curie, il y aura des questions sur ce qu'ils voudraient voir changer», a-t-il dit.

Mgr Wuerl, l'archevêque de Washington a vanté «la perspective américaine» qui peut aider l'ensemble de l'Église : «la vitalité de la foi, le nombre de jeunes fréquentant les églises, la tentative d'apporter un message spirituel dans une société sécularisée».

Les onze cardinaux américains arrivent systématiquement ensemble et en minibus aux congrégations dans le Vatican. Certains font profil bas comme le cardinal de Los Angeles, Roger Mahony, accusé d'avoir couvert des prêtres pédophiles dans son diocèse.

La probabilité d'un pape américain est faible, précisément parce que beaucoup de prélats ne souhaitent pas que la première puissance économique ait en plus un pape. Mais les Américains peuvent avoir leur mot à dire à l'échelle du continent.

De ce point de vue, le mieux placé est le Québécois Marc Ouellet. Le cardinal de la «Belle province» est un de ces prélats du «Nouveau monde», fin théologien, dynamique, polyglotte, avec une vaste expérience de l'Église universelle, ayant travaillé à la curie, mais aussi, pendant longtemps, en Amérique latine.

Et les évêques américains peuvent aider leurs pairs d'Amérique du Sud, jusqu'alors relativement discrets, à se positionner pour le conclave. Les liens entre les catholiques du sud et du nord, longtemps distendus, se sont resserrés à la faveur de l'immigration massive des «latinos» qui remplissent les églises américaines.