Le modeste village natal de l'un des favoris à la succession du pape Benoît XVI s'affairait à mettre sur pied un centre des médias, lundi, en prévision d'une invasion de reporters en vue du vote visant à élire le prochain souverain pontife.

Alors que le cardinal Marc Ouellet est perçu comme un candidat de choix pour remplacer le pape démissionnaire, des résidants du village de La Motte, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, ont commencé les préparatifs visant à transformer le sous-sol de son ancienne église en centre médiatique.

Mgr Ouellet a été baptisé puis ordonné prêtre dans l'église Saint-Luc, sise dans le coeur de La Motte, un village ne comptant que 439 habitants et situé à quelque 600 km au nord-ouest de Montréal. L'édifice sert maintenant de centre communautaire après des années de baisse de l'affluence aux messes.

Les autorités du village s'attendent à ce que des dizaines de journalistes - et plusieurs camions-satellite - envahissent le village de La Motte pendant le conclave. Le village a un dépanneur mais ni restaurant, ni motel, et ses résidants, avec l'aide des deux seuls employés municipaux, ne lésinent pas pour accueillir le mieux possible tout ce beau monde.

À défaut de motel, les visiteurs devront trouver de l'hébergement dans l'une des principales villes de la région, toutes situées à au moins une demi-heure de route. L'absence de restaurant a par ailleurs incité les responsables à faire appel un traiteur pour permettre aux journalistes de prendre leurs trois repas, a confié Edma-Annie Wheelhouse, l'une des deux personnes travaillant bureau de la municipalité.

Lundi, dans le sous-sol de l'église Saint-Luc, des ouvriers s'affairaient à installer une connection internet sans fil et des câbles de télévision pour permettre aux reporters de suivre le conclave au petit écran. Ils montaient également des dizaines de rangées de tables et des chaises.

Des membres de la famille Ouellet, qui vivent toujours dans la région, doivent tenir une conférence de presse dans l'église même, près de l'autel, à l'issue du conclave. Ils doivent rencontrer les médias, peu importe l'issue du vote.

Les cardinaux n'ont toujours pas établi la date du conclave, mais une annonce est attendue au cours des prochains jours.

Quiétude bouleversée

Bien que le vote ne soit pas commencé, le village de La Motte se prépare pour une expérience jamais vécue auparavant.

«Ici, les citoyens sont habitués à leur quiétude, et nous devons nous assurer qu'ils ne seront pas trop dérangés par... tous ces gens additionnels», a rappelé Mme Wheelhouse.

«Nous sommes des gens très accueillants, et nous voulons être certains que notre façon d'être - la bonté des citoyens - soit retransmise aux médias internationaux.»

Avec la collaboration de Tourisme Abitibi-Témiscamingue, les autorités de La Motte demandent aux représentants des médias de s'inscrire avant de se diriger vers le village.

Mme Wheelhouse s'attend à ce que les journalistes passent de nombreuses heures au centre médiatique, et ce pendant plusieurs journées consécutives, en attendant que la fameuse fumée blanche ne flotte dans le ciel du Vatican.

Selon Mme Wheelhouse, une vingtaine d'organisations médiatiques - du Canada, des États-Unis et de la France - ont visité le village depuis l'annonce de la démission du Pape Benoît XVI le mois dernier.

«C'est tout nouveau pour nous», reconnaît Mme Wheelhouse en faisant allusion à toute cette attention. «Avant tout ceci, nous étions inconnus.»

Prudence et réserve

Pendant que la fébrilité s'est emparée de son village natal, où l'on croit sincèrement en ses chances, le cardinal Ouellet a présenté l'image d'un homme prudent, humble, réservé et même un peu apeuré à l'idée de succéder à Benoît XVI.

Lors d'une entrevue accordée à Céline Galipeau de Radio-Canada et diffusée lundi - l'une des deux seules qu'il a acceptées parmi la centaine de demandes qu'il a reçues - Mgr Ouellet a même imputé son statut de favori au pontife démissionnaire.

«Évidemment, je crois que la position que j'occupe actuellement est la raison principale pour laquelle mon nom circule. Étant un collaborateur très proche du pape, je suis au premier rang, d'une certaine manière. Mais ça, c'est au mérite de Benoît XVI; c'est lui qui m'a placé là. Mais ça ne veut pas dire que c'est nécessairement un passe-partout pour aller plus loin.»

Mais, inévitablement, l'idée navigue dans son esprit.

«Je ne peux pas ne pas y penser, mais raisonnablement, je dois entrer au conclave en me disant «si jamais, si jamais'. J'avoue que ça me fait réfléchir, que ça me fait prier, ça me donne peur un peu. Je suis très conscient de la lourdeur de la tâche. Il faut être prêt à n'importe quelle éventualité, mais je crois qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont plus de chances que moi d'être élu», déclare-t-il, avec humilité.

Néanmoins, Mgr Ouellet semble conscient que ses tâches actuelles représentent un atout dans la course à la succession de Benoît XVI.

«Une fois que vous êtes ordonné évêque et que vous travaillez au Vatican - j'ai travaillé dans l'oecuménisme par exemple pendant une couple d'années - j'ai eu une expérience assez large de l'Église, et le travail que je fais maintenant demande une connaissance, je dirais, très vaste des situations de l'Église sur tous les continents. Ça me donne évidemment une perspective d'ensemble qui est importante pour le rôle de successeur. Cela étant dit, il y a bien des secrets que seul Dieu connaît...»

Lors de l'entrevue, menée samedi, Mgr Ouellet a évidemment été interrogé sur les scandales qui touchent le Vatican. Tout en évitant d'entrer en profondeur dans le sujet, disant avoir besoin de plus de données, l'homme d'Église québécois ne croit pas qu'ils sont à la source de la démission de Benoît XVI.

«J'ai été surpris par la date, mais pas par le fait. Je m'y attendais jusqu'à un certain point car il en avait parlé dans le passé. Je le voyais aussi un peu décliné, je sentais parfois sa fatigue. Et je crois que la raison principale a été les Journées mondiale de la Jeunesse de juillet à Rio de Janeiro. Il ne se voyait pas faire ce voyage et je crois qu'il ne pouvait pas le faire non plus. ll savait que cette rencontre, ce rendez-vous avec les jeunes, le pape devait y être. Alors, il s'est retiré. Et c'est un grand geste», a affirmé Mgr Ouellet, encore ému par les propos de Benoît XVI voulant qu'il fasse «son acte de révérence et d'obéissance à mon successeur».