Barack Obama a joué l'apaisement mercredi dans un entretien téléphonique avec son homologue François Hollande, qui a jugé «inadmissible» l'écoute des conversations de trois chefs d'État français par les services de renseignement américains.

Le président américain a réaffirmé «sans ambiguïté» son engagement à «en terminer avec des pratiques du passé (...) inacceptables entre alliés», a rapporté la présidence française à l'issue de leur échange.

Fin 2013, Barack Obama s'était engagé à ce qu'il n'y ait pas d'écoutes de présidents ou de chefs de gouvernement de pays amis ou alliés, après des révélations sur l'ampleur du système de surveillance américain.

Des documents transmis par l'ancien consultant de l'agence d'écoutes NSA Edward Snowden, aujourd'hui réfugié en Russie, avaient montré que même la chancelière allemande Angela Merkel avait été ciblée.

François Hollande (gauche) et ses deux prédécesseurs de droite Nicolas Sarkozy (2007-2012) et Jacques Chirac (1995-2007) ont également été visés, selon d'autres documents obtenus par le site internet lanceur d'alerte WikiLeaks et publiés mardi soir par deux médias français.

Réunion d'urgence d'un Conseil de défense, convocation de l'ambassadrice américaine à Paris, envoi de deux hauts responsables du renseignement aux États-Unis : François Hollande a réagi avec vigueur à ces révélations.

La France «ne tolèrera aucun agissement mettant en cause sa sécurité», a tonné la présidence.

Les documents publiés évoquent des échanges entre responsables français sans, sur le fond, trahir de secrets d'État. Et la Maison-Blanche avait immédiatement assuré que les États-Unis «ne ciblaient pas» les communications de M. Hollande.

Malgré tout, l'ensemble du gouvernement français s'est offusqué de ces pratiques. Le premier ministre Manuel Valls a ainsi demandé aux États-Unis de «tout faire pour réparer les dégâts», tandis que le chef de la diplomatie Laurent Fabius dénonçait des méthodes qui «portent atteinte à la confiance» entre alliés.

L'opposition, de droite comme de gauche, n'était pas en reste. Les Républicains, parti de l'ex-président Nicolas Sarkozy, ont évoqué «une affaire scandaleuse». Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac ont dénoncé des méthodes «inacceptables» entre alliés, selon leur entourage.

La gauche radicale et l'extrême droite ont même réclamé l'arrêt des négociations sur le traité de libre-échange UE-États-Unis. Sur ce point, le gouvernement a cependant appelé à garder «la mesure».

Une réaction de l'ordre de la «posture»

Au-delà des protestations, les Français n'ont pas une grande marge de manoeuvre.

«Il va y avoir des discussions sévères, peut-être des déplacements de membres du personnel politique américain en poste en France et puis voilà, cela n'ira pas plus loin», prédit l'universitaire Nicole Bacharan, spécialiste des États-Unis.

Les intérêts des deux pays sont trop convergents sur nombre de crises, de l'Ukraine à la lutte contre le groupe État islamique (EI) en Irak en passant par le Sahel, pour que le scandale débouche sur une rupture.

D'après plusieurs observateurs, la réaction française est de l'ordre de la «posture». «On est obligé de dire que ce n'est pas bien, et en même temps on sait que ça continuera», commentait ainsi le député centriste Hervé Morin.

«En matière de renseignements, il n'y a pas d'amis, pas d'alliés, il n'y a que des intérêts», a pour sa part rappelé Alain Chouet, un ancien responsable des services français, selon lequel la France «ne se prive pas» non plus d'espionner ses alliés.

Des associations de défense des droits de l'Homme ont d'ailleurs dénoncé l'inaction de la France en matière judiciaire, alors que les actions de surveillance de la NSA ont fait l'objet d'une plainte dans ce pays dès 2013.

Ces événements surviennent le jour même où le Parlement doit définitivement adopter un projet controversé sur le renseignement qui légalise, selon ses détracteurs, des pratiques contestables des services secrets au nom de l'antiterrorisme.

Une concomitance loin d'être fortuite, les médias qui ont publié les documents de WikiLeaks, le quotidien Libération et le site internet Mediapart, étant opposés à cette réforme.

«On se met en position de tout analyser, et d'écouter n'importe qui, dans une société obsédée par le terrorisme. C'est le cas des États-Unis post-11 Septembre, ce sera le cas de la France post-7 Janvier», écrit Libération, faisant allusion à l'attentat jihadiste contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo.