Le Sénat américain a rejeté samedi un projet de réforme soutenu par le président Barack Obama visant à limiter la capacité de l'Agence nationale de sécurité (NSA) à collecter des données aux États-Unis, suite au scandale suscité par les révélations d'Edward Snowden.

Mais la chambre haute du Congrès a refusé dans le même temps de prolonger ce programme de surveillance, qui expirera le 1er juin si le Congrès n'agit pas d'ici là.

Il a manqué trois voix aux 60 nécessaires pour que la réforme puisse être adoptée par le Sénat, qui n'a pas non plus réussi à prolonger de deux mois le programme.

La réforme par le Freedom Act, modifierait un article controversé du Patriot Act, adopté après les attentats du 11 septembre 2001, en interdisant la collecte à grande échelle par la NSA de données américaines, téléphoniques ou autres.

La Chambre des représentants avait, elle, voté le 13 mai en faveur de la réforme, en réponse au tollé provoqué en juin 2013 par Edward Snowden, un ancien consultant de la NSA qui avait exposé au grand jour l'ampleur des programmes de surveillance américains.

Démocrates et républicains à la Chambre avaient voté dans le même sens pour empêcher la NSA de conserver les données téléphoniques de millions d'Américains sans lien avec le terrorisme.

Depuis 2001, la NSA accumule dans ses serveurs les métadonnées d'appels passés aux États-Unis (horaire, durée, numéro appelé, mais pas le contenu des appels), qu'elle conserve cinq ans. Cette immense base de données est ensuite exploitée par ses analystes pour détecter «une éventuelle aiguille terroriste dans la botte de foin», selon l'expression du renseignement.

Ce programme fonctionnait secrètement depuis 2001, puis sous supervision judiciaire depuis 2006, constamment renouvelé par les administrations Bush et Obama.

«Victoire sur le totalitarisme»

Désormais en congé pour une semaine, les sénateurs pourraient toutefois revenir en session un jour plus tôt, le 31 mai, pour tenter d'éviter que le texte n'expire le 1er juin, a suggéré le chef de la majorité républicaine au Sénat Mitch McConnell.

«Nous aurons une semaine pour en discuter. Nous aurons un jour pour le faire. Mais il serait préférable que nous soyons prêts dimanche après-midi (31 mai, NDLR) pour empêcher que l'expiration complète (du) programme que nous connaissons mette le pays en danger», a expliqué M. McConnell.

La Maison-Blanche avait mis en garde vendredi contre une expiration de la loi le 1er juin. «Il n'y a pas de plan B», avait souligné le porte-parole de l'exécutif américain, Josh Earnest. «Le Congrès doit légiférer sur ces (programmes) qui sont cruciaux pour garantir la sécurité des Américains et protéger leurs libertés civiques de base».

Le sénateur républicain libertaire Rand Paul, grand défenseur des libertés individuelles et candidat à la Maison-Blanche en 2016, a voté contre une prolongation du Patriot Act. «Nos anciens seraient horrifiés» par l'ampleur de la surveillance, «on doit en débattre», a-t-il plaidé.

L'élu juge en outre la réforme trop timide et a délivré dans la nuit de mercredi à jeudi un discours de 10 heures pour y faire obstruction.

Pour le directeur de la coalition Demand Progress, qui milite contre les programmes de la NSA, David Segal, il s'agit d'une «victoire de la démocratie sur le totalitarisme». Ces programmes «ne réduisent en rien la menace terroriste mais menacent continuellement la vie privée, les libertés et la gouvernance démocratique».

Le principal démocrate à la commission du Renseignement du Sénat, Dianne Feinstein, estime que réformer le texte -par le Freedom Act - «est le seul moyen de réformer (les programmes) et d'empêcher le gouvernement de conserver les données».

«Ne pas adopter ce texte (de réforme) équivaut à mettre tout le programme (...) en sérieux danger», a-t-elle prévenu.

Pour Kevin Bankston, directeur politique de l'institut New America's Open Technology, le rejet de cette réforme est un «affront choquant au processus démocratique et aux Américains qui réclament une réforme depuis deux ans».