La capacité d'écoute électronique de l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) a été utilisée à diverses reprises par des employés de l'organisation pour espionner... leurs proches.

Dans une missive transmise lundi au procureur général des États-Unis, Eric Holder, le président de la Commission des affaires judiciaires du Sénat, Charles E. Grassley, demande si ces personnes seront poursuivies.

«Évidemment, la majorité de ceux qui travaillent au sein des communautés du renseignement et de la sécurité nationale sont des personnes dévouées qui respectent les lois et qui méritent notre reconnaissance [...] Il faut toutefois que ceux qui abusent de notre confiance soient tenus responsables de leurs gestes», souligne-t-il.

Le sénateur Grassley rappelle qu'il a adressé une première missive à ce sujet au procureur général en octobre 2013 après que le bureau de l'inspecteur général de la NSA eut décrit dans un rapport une douzaine de cas de cette nature.

Ces révélations faisaient suite à un article du Wall Street Journal qui évoquait le phénomène et l'existence d'un acronyme utilisé à l'interne - LOVEINT - pour décrire la collecte de renseignements personnels sur des proches.



Plusieurs cas

Dans un cas datant de 2011, une employée de la NSA basée à l'étranger a placé sous surveillance le téléphone de son conjoint, lui-même d'origine étrangère, et étudié les renseignements colligés.

Elle a affirmé qu'elle avait l'habitude de procéder de la même manière avec les numéros de personnes rencontrées lors de sorties en société de manière à s'assurer qu'elle ne fréquentait pas des «individus douteux». L'employée a démissionné avant d'être soumise à une sanction disciplinaire.

En 2005, le bureau de l'inspecteur général a été avisé qu'un employé s'était empressé, immédiatement après avoir obtenu l'accès au système de collecte de données, de cibler six courriels utilisés par son ex-conjointe. Il a affirmé qu'il souhaitait simplement s'exercer.

L'homme s'est vu imposer une série de sanctions, notamment une baisse de salaire temporaire.

Dans un autre cas, en 2003, une femme employée par le gouvernement américain à l'étranger a confié à une collègue qu'elle se croyait espionnée par son conjoint, un employé de la NSA. L'enquête subséquente a révélé qu'il avait en fait espionné neuf femmes d'origine étrangère sans aucune raison valable. Lui aussi a démissionné avant d'être sanctionné par les autorités.

Plusieurs des abus ont été révélés par les employés eux-mêmes avant qu'ils ne subissent le test de polygraphe requis pour qu'ils puissent continuer à utiliser les systèmes de collecte de données de l'agence.

Questionnements au Canada

La révélation de telles pratiques au sein de la NSA - qui parle d'un phénomène marginal - suscite des questions au Canada.

Bill Robinson, qui chapeaute un blogue consacré aux services de renseignement du pays, affirme qu'il serait «surprenant que ça ne soit pas arrivé» au sein du Centre de la sécurité des télécommunications (CST), pendant canadien de la NSA.

Difficile d'en avoir le coeur net quand on examine les rapports du Bureau du commissaire du CST, puisque toute référence à un cas de cette nature serait sans doute suffisamment alambiquée pour s'avérer incompréhensible, ironise-t-il.

Le porte-parole du Bureau du commissaire, William Galbraith, a indiqué hier que le CST disposait de mécanismes internes de vérification pour assurer le «bon usage» des systèmes de collecte de renseignements. Il a refusé de dire si ces systèmes étaient suffisamment efficaces pour éviter les abus.

Toute déficience majeure à ce sujet serait signalée sous le sceau de la confidentialité au ministre de la Défense, puisqu'il s'agit de «systèmes classifiés», a-t-il précisé.

La Presse a tenté en vain par ailleurs de savoir du CST si des employés avaient été sanctionnés pour des cas similaires à ceux survenus à la NSA.