Dans Nulle part où se cacher, en librairie depuis hier, le journaliste Glenn Greenwald raconte en détail la plus grande histoire d'espionnage du XXIe siècle, révélée par l'informaticien et ex-employé de la National Security Agency (NSA), Edward Snowden. Ce livre, qui se lit comme un thriller, n'expose pas seulement les activités d'espionnage sans précédent du gouvernement américain, il raconte aussi les dessous d'une formidable enquête journalistique. Points saillants d'une histoire rocambolesque.

Q : Qu'est-ce qui a motivé Edward Snowden à révéler les activités ultrasecrètes de son employeur, la National Security Agency (NSA) ?

R : «Je ne veux pas vivre dans un monde où nous n'aurions ni vie privée ni liberté, où l'apport unique et la valeur d'internet seraient étouffés », a-t-il expliqué au journaliste Glenn Greenwald lors de leur première rencontre. Dès le départ, le jeune homme de 29 ans avait très bien compris les conséquences de sa décision de se réfugier à Hong Kong, de confier des renseignements ultraconfidentiels à des journalistes, puis de révéler son identité au grand jour. Il savait qu'il ne reverrait sans doute plus sa famille ni sa conjointe et que sa sécurité serait en jeu. À la blague, il disait « à Guantánamo, je prends la couchette du bas ».

À plusieurs reprises, il a exprimé la crainte que ses révélations soient accueillies dans l'indifférence. Il ne voulait pas avoir fait tout cela pour rien.

Q : Qui est Glenn Greenwald ?

R : Ce n'est pas par hasard qu'Edward Snowden a d'abord contacté Glenn Greenwald. Ancien avocat, blogueur et journaliste, Greenwald était reconnu pour son travail d'enquête sur les questions de libertés civiles. Dans son livre, le journaliste raconte toutefois qu'il a failli rater son rendez-vous avec l'histoire. En effet, Snowden lui a d'abord envoyé un message anonyme dans lequel il le pressait de crypter ses données personnelles afin que les deux hommes puissent communiquer en toute sécurité.

Il est revenu à la charge à plusieurs reprises, mais Greenwald ne donnait jamais suite. Snowden a donc contacté la documentariste Laura Poitras, une amie de Greenwald. C'est elle qui a sollicité le journaliste afin qu'ils travaillent sur l'histoire ensemble. Ils ont décidé de s'associer à The Guardian pour publier leur enquête explosive et se sont ensuite rendus à Hong Kong à la demande de Snowden. Ce n'est que plusieurs semaines plus tard que Greenwald a compris que le mystérieux correspondant qui tentait de communiquer avec lui était en fait la même personne qu'il était venu rencontrer à Hong Kong.

Q : Qu'est-ce que les milliers de documents fournis par Snowden ont révélé ?

R : « Prises dans leur intégralité, les archives Snowden conduisaient à une conclusion fort simple, écrit Glenn Greenwald. Le gouvernement américain avait bâti un système qui s'était fixé pour objectif l'élimination complète à l'échelle planétaire de toute vie privée électronique. [...] La NSA était impliquée dans l'espionnage économique, diplomatique, ainsi que dans la surveillance de populations entières, et ce, en l'absence de tout soupçon. »

Le premier reportage publié par Greenwald dans The Guardian a révélé que la NSA collectait tous les jours les relevés téléphoniques des millions de clients de Verizon (l'équivalent américain de Bell), aux États-Unis et à l'étranger, qu'ils soient suspects ou pas. Dans un autre reportage, Greenwald a expliqué que le programme PRISM permettait à la NSA un accès direct aux serveurs des entreprises de la Silicon Valley (Google, Facebook, etc.). Toutes les entreprises, sauf Twitter, avaient accepté de collaborer avec la NSA.

Les documents fournis par Snowden révèlent aussi que le géant Microsoft a revu la conception de certains logiciels afin de permettre à la NSA d'avoir accès aux données de ses utilisateurs.

On apprend en outre que le Canada s'est livré à des activités d'espionnage pour le compte de la NSA, espionnant entre autres le ministère brésilien des Mines et de l'Énergie.

Q : Est-ce que les révélations d'Edward Snowden ont changé quelque chose ?

R : Absolument. Glenn Greenwald écrit d'ailleurs que la réaction a été au-delà de ses espérances et de celles d'Edward Snowden. Le journaliste cite plusieurs exemples concrets, dont le dépôt d'un projet de loi visant à priver de financement le programme de collecte de données de la NSA. Il cite aussi un juge fédéral qui a qualifié les activités de la NSA d'« orweliennes », ajoutant que la collecte de données de la NSA serait probablement considérée comme une « violation du quatrième amendement de la Constitution des États-Unis».

Q : Où est Edward Snowden aujourd'hui ?

R : Il s'est réfugié en Russie. En entrevue, Glenn Greenwald a affirmé que Snowden était très heureux, sachant qu'il avait agi afin de défendre ses principes. Quant à Glenn Greenwald, il a vendu les droits de son livre à Sony. Il a également gagné le prix Pulitzer de service public qu'il a partagé avec The Guardian et le Washington Post.

En chiffres

20 millions US

Coût du programme ultrasecret PRISM qui permet à la NSA d'avoir accès aux serveurs des plus grandes entreprises de technologie comme Facebook et AOL.

300 000 $

Somme versée par la NSA au Canada en 2012 pour améliorer son équipement d'espionnage.