Barack Obama a opté mardi pour une réforme d'un programme clé de surveillance de la NSA qui mettrait fin au stockage des données téléphoniques américaines par l'État, une décision célébrée comme un «tournant» par Edward Snowden, à l'origine des fuites.

Le président américain avait annoncé mi-janvier son intention de mettre un terme au système qui permet à l'Agence nationale de sécurité (NSA) de récupérer l'intégralité des métadonnées des appels passés aux États-Unis, en temps réel, et de les stocker pour analyse pendant cinq ans.

Il avait fixé à vendredi la date-limite pour trouver une solution qui permette à la NSA de surveiller les numéros suspects tout en protégeant les libertés constitutionnelles des Américains et minimisant les risques de violation de la vie privée.

Sa réforme «assurera que l'État ne détient pas ces métadonnées», a expliqué le président américain à La Haye, une façon selon lui d'empêcher de futurs et hypothétiques abus. Le contrôle des juges sera aussi renforcé. «J'ai confiance dans le fait que (cette réforme) nous permettra de faire le nécessaire pour répondre aux dangers d'un attentat terroriste, mais le fera d'une façon qui prendra en compte certaines des inquiétudes qui se sont manifestées».

Le programme téléphonique, hérité de l'ère post-11-Septembre et secret jusqu'en juin dernier, est défendu depuis des mois par l'exécutif comme l'un des plus précieux de l'arsenal de surveillance américain.

En récupérant les données comme le numéro appelé, la durée et l'horaire des appels (mais pas les conversations), la NSA est capable de tisser, à partir d'un numéro spécifique, le maillage des relations d'un suspect terroriste étranger sur le territoire américain.

Mais les défenseurs de la vie privée y voyaient la réalisation d'un État orwellien, et Edward Snowden s'est dit mardi comme vengé par l'initiative présidentielle.

«Il s'agit d'un tournant», a-t-il déclaré dans un communiqué, via la grande association américaine de défense des libertés individuelles, l'American Civil Liberties Union. «Le président Obama a désormais confirmé que ces programmes de surveillance de masse, secrets et défendus plus par réflexe que par la raison, n'étaient en fait pas nécessaires et devaient être terminés».

«Prism» pas concerné

L'image utilisée par l'agence était celle de la recherche permanente d'une aiguille dans une botte de foin; pour que le système soit efficace, la NSA affirme avoir besoin de la botte de foin.

C'est cette botte qui devrait cesser d'être hébergée dans les serveurs de la NSA. Toutes les données resteraient au sein des opérateurs, qui ne les livreraient qu'une fois que la NSA aurait obtenu une ordonnance d'un juge, spécifique au numéro suspect.

L'annonce a été bien accueillie par plusieurs associations et élus réformateurs, qui estimaient que la NSA violait la Constitution en collectant massivement des données téléphoniques, même anonymes.

«C'est le début de la fin de la surveillance systématique en Amérique», a affirmé à des journalistes le sénateur démocrate Ron Wyden, détracteur de la NSA.

Mais l'Electronic Frontier Foundation (EFF) a souligné que le projet ne concernait que les données téléphoniques et laissait de côté les métadonnées internet, de localisation et les relevés financiers, «ce qui en soi ne mettra pas fin à la surveillance de masse».

Toute réforme d'ampleur passe par l'approbation du Congrès, où se négocieront les détails les plus cruciaux. Les débats devraient y prendre plusieurs mois. En attendant, l'exécutif devrait demander une prolongation du programme existant.

Les responsables de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants ont présenté mardi les contours de leur propre réforme, «très, très proche» de celle du président. Leur texte ne prévoit qu'un contrôle judiciaire a posteriori, de façon à préserver la rapidité de réaction de la NSA.

Absentes des annonces de mardi: les techniques d'interceptions de communications de ressortissants étrangers hors des États-Unis sur internet, en particulier le programme Prism, qui permet à la NSA d'accéder aux communications échangées sur les réseaux sociaux et sites comme Facebook et Gmail.

«Je ne pense pas que nous ayons besoin de changer nos méthodes de collecte d'informations à l'étranger», a expliqué Mike Rogers, président républicain de la commission.