Les Européens ont salué assez froidement les engagements de Barack Obama de rogner les pouvoirs de la NSA, l'agence qui a mis sur écoutes leurs dirigeants, et exigent des actes du président américain pour le sommet UE-États-Unis prévu le 26 mars à Bruxelles.

«La confiance a été ébranlée (...) Il faudra beaucoup de travail pour la rétablir», a averti vendredi soir la vice-présidente de la Commission européenne chargée de la Justice Viviane Reding, dans un premier commentaire après l'intervention du président Obama.

L'ampleur des écoutes téléphoniques menées dans l'Union européenne et la diversité des cibles ont choqué les citoyens, surtout en Allemagne.

«L'espionnage entre amis, ça ne va pas du tout», avait averti la chancelière allemande Angela Merkel en octobre lors d'un sommet européen dominé par la cascade de révélations fournies par Edward Snowden, un ancien consultant informatique de la NSA réfugié à Moscou.

Les dirigeants européens avaient sommé Barack Obama de mettre un terme à ces activités contre l'UE et lui ont donné jusqu'à l'été 2014 pour mener une série d'actions, dont la réforme des activités de la NSA.

L'allocution du président américain n'a pas dissipé les inquiétudes et son absence de remords a jeté un froid.

Le gouvernement allemand a pris note vendredi de la promesse de Barack Obama de ne plus laisser espionner les communications des dirigeants des pays amis des États-Unis et a fait part de son intention de les «analyser avec précision».

Le réalisme politique devrait toutefois l'emporter, car aucun des chefs de gouvernement de l'UE ne souhaite une brouille avec Washington.

«Ce n'est pas la fin de l'histoire», a confié à l'AFP un membre de l'entourage des dirigeants de l'UE à Bruxelles. «Le discours est bien, car il montre que les Américains bougent sur ce sujet qui fâche», a-t-il souligné. «Obama ne pouvait pas tout détailler dans un discours politique, et le dispositif doit encore être détaillé et discuté, ce qui va se faire par le biais d'un dialogue», a-t-il expliqué.

Mais il va falloir convaincre les députés européens. Très pointilleux sur la protection des données des citoyens de l'UE, ils sont très remontés contre les pratiques américaines. Or ils ont le pouvoir de rejeter des accords internationaux s'ils jugent les garanties insuffisantes.

Les premières réactions au Parlement européen sont négatives. «L'UE ne doit pas faire confiance aux promesses peut être vides d'Obama sur la NSA, mais doit imposer ses propres règles», a ainsi déclaré le président du groupe des Socialistes, Hannes Swoboda, dans un message posté samedi sur son compte twitter.

Les Libéraux sont tout aussi durs et leurs chefs de file sur le dossier, l'élue néerlandaise Sophie in't Velt a fait voter une résolution exigeant la suspension de l'accord Swift pour sanctionner les mauvaises pratiques américaines. L'accord permet aux Américains de consulter les données des virements bancaires stockés par cette société basée en Belgique. Il est un des principaux outils de la lutte contre le financement du terrorisme et du crime organisé.

Le président Obama est attendu le 26 mars à Bruxelles pour un sommet UE-Etats-Unis. Cette première visite aux institutions européennes devrait être l'occasion de répondre aux attentes de l'Union européenne. L'UE et les États-Unis sont engagés dans des négociations en vue d'un très ambitieux accord de libre-échange transatlantique.

«Plusieurs questions sont toujours ouvertes et doivent être traitées», a rappelé la Commission européenne en précisant que «les normes de protection des données ne seront pas abordées dans les négociations sur le libre échange».

L'UE renforce ses propres règles et veut «la conclusion rapide d'un accord général sur la protection des données qui permette aux citoyens de l'UE d'engager des actions aux États-Unis» en cas de mauvais usage de leurs données personnelles, ce qui leur est refusé actuellement.

Viviane Reding négocie actuellement cet accord. Elle a osé début janvier remercier Edward Snowden pour son action, car «grâce à M. Snowden, les choses ont changé et pour la première fois nous avons constaté une compréhension pour notre demande de réciprocité», avait-elle souligné.