L'agence de renseignement NSA doit réviser en profondeur ses programmes controversés de surveillance et mieux coopérer avec les alliés des États-Unis, ont estimé des experts mandatés par le président Barack Obama, dans un rapport publié mercredi.

La NSA, dont l'étendue et le contenu des programmes ont été révélés par l'ancien consultant Edward Snowden, ne doit pas conserver les métadonnées téléphoniques (date de l'appel, lieu, etc), telles que celles interceptées dans le cadre du programme Prism, suggèrent notamment les experts qui ont formulé au total 46 recommandations.

Parmi celles-ci, un appel à mieux coopérer avec les «alliés proches» des États-Unis en matière d'espionnage. Les critères présidant à la surveillance de dirigeants étrangers devraient être resserrés, suggère par ailleurs le groupe de travail.

La révélation selon laquelle le téléphone portable de la chancelière Angela Merkel avait été écouté avait provoqué une tempête diplomatique. Outre l'Allemagne, ces révélations ont outré d'autres alliés et partenaires des États-Unis comme la France, l'Espagne, le Mexique et le Brésil.

Sans se prononcer dans l'immédiat sur le fond de ces recommandations, M. Obama, qui a rencontré les experts mercredi matin à la Maison-Blanche, a «pris note du fait que le rapport du groupe représente une opinion consensuelle».

Ce dernier point «est particulièrement important étant donné l'autorité de ses membres en matière d'antiterrorisme, de renseignement, de supervision, de vie privée et de libertés publiques», a poursuivi le président selon un communiqué de l'exécutif.

Ce rapport affirme notamment qu'«il est temps de prendre du recul» dans les opérations de la NSA. «Avec le bénéfice de l'expérience (...), nous concluons que certaines des autorités qui ont été créées ou développées dans la foulée du 11-Septembre sacrifient indûment les intérêts fondamentaux de libertés individuelles, de vie privée et de gouvernance démocratique», écrivent ses auteurs.

«Meilleur équilibre» entre sécurité et libertés

Les experts estiment que leurs préconisations aboutiraient à un «meilleur équilibre entre les intérêts concurrents» de la défense nationale et de la sauvegarde des libertés.

«Nous ne disons pas que la lutte contre le terrorisme est finie», a souligné lors d'un point de presse Richard Clarke, ancien conseiller antiterroriste à la Maison-Blanche et membre du groupe d'experts.

Cependant, a-t-il ajouté, «nous pensons que certains mécanismes peuvent être plus transparents et peuvent faire l'objet d'une supervision plus indépendante» afin de «susciter dans la population un sentiment de confiance plus fort que celui qui existe aujourd'hui».

Le rapport de plus de 300 pages, remis vendredi à M. Obama, ne devait initialement pas être divulgué avant janvier, mais la Maison-Blanche l'a publié après la parution d'«informations inexactes et incomplètes» dans la presse ces derniers jours, selon le porte-parole de l'exécutif, Jay Carney.

Dans son communiqué, la Maison-Blanche a précisé que M. Obama travaillerait dans les prochaines semaines avec son équipe de sécurité nationale pour étudier le rapport et «déterminer quelles recommandations» doivent être appliquées. Le président prononcera en janvier un discours à ce sujet, a rappelé mercredi M. Carney.

M. Obama avait promis dès le mois d'août plus de transparence dans les programmes de la NSA, tout en mettant en avant leur nécessité.

«Le président a dit clairement que (...) nous n'entamerions pas nos capacités à répondre aux menaces» pesant sur les Américains, a rappelé M. Carney. «Toutefois, il nous faut faire en sorte de rassembler des renseignements, non pas parce que nous le pouvons, mais parce que nous en avons besoin» a-t-il ajouté.

Le groupe de défense des libertés sur internet, l'Electronic Frontier Foundation (EFF), a réagi de façon mitigée au rapport, se félicitant que les experts mandatés soient d'avis que «la NSA est allée trop loin» dans «l'espionnage de masse». Mais l'EFF s'est aussi désolée du fait que le rapport ne préconise apparemment pas la fin de l'«espionnage non ciblé».

Lundi, un magistrat fédéral de Washington avait infligé un revers judiciaire à ce programme en estimant que la collecte de métadonnées du téléphone d'un particulier constituait une «atteinte à la vie privée» et était sans doute inconstitutionnelle.