La Commission européenne a publié mercredi une liste d'actions à mener par l'administration américaine d'ici l'été 2014 pour rétablir la confiance brisée par les révélations sur l'espionnage des communications européennes, sous peine de sanctions.

«Les États Unis ont des devoirs à faire. Si cela n'est pas fait pour l'été 2014, il faudra remettre l'ouvrage sur le métier», a commenté la vice-présidente de la Commission européenne en charge de la Justice Viviane Reding au cours d'une conférence de presse.

«Nous avons mis aujourd'hui sur la table un agenda précis pour que les États-Unis reconstruisent la confiance avec l'UE», a pour sa part expliqué la commissaire en charge des Affaires intérieures Cecilia Malmström au cours d'un point de presse distinct.

Contrairement à ce que demande le Parlement européen, la Commission a décidé de refuser pour le moment de suspendre les accords TFTP qui permettent de transférer les données bancaires des Européens au Trésor américain, PNR (données des passagers des avions) et Safe Harbour (transferts de données entre entreprises) conclus avec les États-Unis. Les accords TFTP et PNR sont utilisés pour la lutte contre le terrorisme et ses sources de financement.

Viviane Reding a toutefois décidé de jouer sa partition un peu plus fermement. Elle a ainsi averti que l'accord Safe Harbour pourrait être suspendu si aucune suite n'était donnée aux demandes de l'UE. «C'est une épée de Damoclès», a-t-elle soutenu.

Cette mesure devra toutefois être avalisée par les États. Or la volonté d'apaiser les tensions avec Washington a été clairement affichée par les dirigeants européens lors de leur dernière réunion le 25 octobre, a-t-on rappelé de source communautaire.

L'UE demande essentiellement une modification de la législation américaine afin de permettre aux citoyens de l'UE non résidents aux États-Unis d'engager des actions en justice pour obtenir réparation en cas d'usage abusif de  leurs données personnelles.

L'UE attend également du président Barack Obama qu'il donne suite à son engagement de réformer les activités de l'agence de sécurité nationale NSA, qui a développé des programmes pour écouter les communications et intercepter les données obtenues par les plateformes internet.

Doutes des élus européens

Les Européens exigent en outre des États-Unis qu'ils acceptent que tout transfert de données personnelles en provenance de l'UE soit encadré par la loi, comme c'est actuellement le cas avec les accords TFTP et PNR.

L'UE cherche à modifier sa législation sur la protection des données, afin de l'adapter au développement de l'internet. Les négociations sont en cours mais le Royaume-Uni, l'Irlande et les Pays-Bas émettent encore de sérieuses réserves contestant notamment son coût.

Si la nouvelle législation aboutit elle s'imposera notamment aux entreprises américaines qui ont des filiales dans l'UE et transfèrent des données aux États-Unis.

Actuellement, ces transferts de données sont gérés par l'accord Safe Harbour, négocié entre les autorités américaines et la Commission européenne en 2001.

Les entreprises établies aux États-Unis adhèrent à ces principes auprès du Département du Commerce américain. Cette adhésion les autorise à recevoir des données en provenance de l'Union européenne.

Un examen de cet accord a montré de nombreuses failles ce qui a conduit la Commission européenne à formuler treize recommandations pour améliorer son fonctionnement.

Plusieurs élus européens ont publiquement fait part de leurs doutes concernant la stratégie  adoptée par l'exécutif bruxellois.

Favorable à une suspension de l'accord TFTP, la libérale néerlandaise Sophie In't Veld, vice-présidente de la Commission des Libertés civiles, de la Justice et des affaires intérieures a sévèrement critiqué la position de la Commission.

«Ses conclusions sont uniquement fondées sur les garanties des États-Unis. Compte tenu de la gravité des allégations, c'est inacceptable», a-t-elle estimé.

«Les citoyens sont en droit de douter de la capacité de la Commission européenne à faire valoir et à garantir leurs droits fondamentaux», a pour sa part déclaré l'eurodéputée verte française Hélène Flautre.

Mais le président du groupe des Socialistes, l'Autrichien Hannes Swoboda a averti que «l'annulation de l'accord Safe Habour peut affecter les entreprises européennes et doit pour cette raison être décidé en dernier recours».