Paris a renouvelé mardi ses demandes d'explications à Washington sur le vaste programme d'espionnage de la NSA, tout en voulant éviter l'escalade, et Mexico a annoncé une enquête «exhaustive» ainsi que la convocation de l'ambassadeur des États-Unis.

«Je ne crois pas qu'il faille aller vers une escalade», a déclaré la porte-parole du gouvernement français Najat Vallaud-Belkacem. Cependant le chef de la diplomatie Laurent Fabius avait réitéré dans la matinée le mécontentement de la France à son homologue américain John Kerry, lors d'une rencontre à Paris.

«L'espionnage tel qu'il a été pratiqué sur une grande échelle de la part des Américains vis-à-vis d'alliés est quelque chose d'inacceptable», a ensuite déclaré M. Fabius à des journalistes à Londres en marge d'une réunion des «Amis de la Syrie» et de l'opposition syrienne.

Le quotidien français Le Monde, qui a révélé lundi l'ampleur en France de l'espionnage téléphonique de l'agence de sécurité américaine (NSA) a publié mardi de nouveaux détails sur les écoutes des ambassades dont la représentation de la France à l'ONU à New York.

Il cite notamment un document de la NSA d'août 2010, selon lequel les informations ainsi obtenues auraient joué un grand rôle pour faire voter de nouvelles sanctions contre l'Iran au Conseil de sécurité.

Selon Laurent Fabius, suite aux premières informations cet été sur le programme de surveillance des États-Unis, des «mesures» avaient été prises au «ministère des Affaires étrangères en particulier». «Nous avons décidé de sécuriser un certain nombre de communications», a-t-il dit ajoutant qu'un audit sur les installations françaises aux États-Unis, qui semblaient avoir été espionnées, a été demandé.

M. Kerry avait tenté lundi soir de rassurer la France, «vieil allié» des États-Unis  en annonçant des discussions bilatérales. «Les États-Unis revoient en ce moment leur manière de recueillir du renseignement. Notre but est d'essayer de trouver le juste milieu entre la protection de la vie privée et la sécurité de nos citoyens», a-t-il ajouté.

Le président François Hollande avait, lui, exprimé lundi sa «profonde réprobation» face aux «pratiques inacceptables» de son allié, lors d'une conversation téléphonique avec son homologue Barack Obama.

Celui-ci s'est employé à calmer la colère de Paris tout en assurant que «certaines» révélations ont «déformé» les activités de la NSA, même si «d'autres soulèvent des questions légitimes pour nos amis et alliés sur la façon dont ces capacités (de surveillance) sont employées».

Le directeur du renseignement américain a d'ailleurs affirmé mardi que certaines des informations publiées par Le Monde étaient «inexactes et trompeuses sur les activités du renseignement américain».

«L'information selon laquelle l'Agence de sécurité nationale (NSA) a collecté plus de 70 millions "d'enregistrements de données téléphoniques de citoyens français" est fausse», pointe James Clapper, qui chapeaute 16 agences de renseignement, dont la NSA, sans dire toutefois en quoi cette assertion est inexacte.

Selon Le Monde, qui cite des documents de l'ex-consultant de l'agence américaine Edward Snowden, cette collecte a ue lieu entre le 10 décembre 2012 et le 8 janvier 2013.

Mexico annonce une enquête «exhaustive»

De son côté, le ministre mexicain de l'Intérieur Osorio Chong a annoncé mardi soir que Mexico allait mener une enquête «exhaustive» sur les activités d'espionnage prêtées aux États-Unis.

«Le président a ordonné de mener une enquête qui devra déterminer s'il existe des preuves» de l'espionnage américain et si des citoyens ou des fonctionnaires mexicains y ont participé, a-t-il déclaré.

Le gouvernemnet a, selon lui, «examiné et renforcé les mécanismes de sécurité des communications vocales et de données, ainsi que les réseaux, logiciels, systèmes d'encodage et de cryptage utilisés par le président et de tous les services de sécurité du gouvernement», depuis l'arrivée d'Enrique Peña Nieto à la présidence en décembre 2012.

Le chef de la diplomatie mexicaine, Jose Antonio Meade, de passage à Genève, avait annoncé peu auparavant la convocation prochaine de l'ambassadeur des États-Unis sur les révélations d'une surveillance par la NSA des courriels de l'ex-président Felipe Calderon.

Le 5 septembre, le président Pena Nieto avait assuré que Barack Obama lui avait promis une enquête sur les accusations d'espionnage lors de sa campagne présidentielle de 2012.

Et dimanche dernier, l'hebdomadaire allemand Der Spiegel révélait que la NSA avait espionné les courriels de l'ex-président mexicain Calderon à partir de mai 2010 et «systématiquement et pendant des années le gouvernement mexicain».

«Face à ces nouveaux éléments et face à une réponse (américaine, ndlr) insuffisante, et donc inadmissible, le gouvernement du Mexique tient à souligner très fermement la nécessité d'ouvrir (...) l'enquête promise par le président Obama et de l'élargir pour y inclure les dernières informations», a indiqué mardi M. Meade à Genève.

Il a demandé que cette enquête soit achevée dans un «bref délai» pour déterminer les éventuels responsables de ces activités d'espionnage.

De son côté, la vice-présidente de la Commission européenne, Viviane Reding, a appelé les dirigeants de l'UE à «passer aux actes» lors de leur sommet en fin de semaine pour protéger les données des citoyens.

Photo: AFP

Enrique Peña Nieto

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