Le Congrès américain a lancé jeudi la réforme des lois sur la surveillance électronique, un processus déclenché par les révélations d'Edward Snowden, en dépit des assurances de Barack Obama sur la légalité des programmes en cause.

Lors d'une audition du directeur national du renseignement, James Clapper, et du directeur de l'Agence nationale de sécurité (NSA), le général Keith Alexander, la présidente de la commission du Renseignement du Sénat, Dianne Feinstein, a suggéré des propositions concrètes de réforme de l'immense appareil de surveillance américain.

Ce projet bipartite, qui sera débattu la semaine prochaine en commission, vise à placer des «limites» aux programmes de surveillance tout en «préservant» leur efficacité.

Au coeur du problème, le programme de collecte systématique des «métadonnées» de tous les appels téléphoniques aux États-Unis, révélé en juin par l'ex-informaticien de la NSA Edward Snowden.

Les numéros, heures et durées de tous les appels passés via les opérateurs américains - mais pas le contenu des conversations - sont stockés dans une base de données de la NSA, une gigantesque «botte de foin» dont l'agence défend l'utilité pour détecter d'éventuelles «aiguilles» liées à des menaces terroristes. Selon le général Alexander, seules 22 personnes peuvent accéder à ces données.

Mais nombre de parlementaires critiquent l'interprétation exorbitante faite par le FBI et la NSA de l'article 215 de la loi «Patriot Act», votée dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001. Selon eux, la saisie des relevés téléphoniques de tous les Américains viole le quatrième amendement de la Constitution, qui protège tout citoyen contre des fouilles excessives.

«Les Américains sans lien avec le terrorisme ou l'espionnage ne devraient pas avoir à craindre que la NSA "aspire" toutes leurs informations personnelles», selon le sénateur Mark Udall.

«Suspicion récente et étayée»

«Ce que nous ne faisons pas, c'est espionner illégalement des Américains ou les citoyens d'un pays quelconque. Nous n'espionnons que pour des motifs valides de renseignement, comme la loi l'autorise, avec de nombreux niveaux de supervision pour nous assurer que nous n'abusons pas nos autorités de tutelle», a rétorqué James Clapper lors de l'audition.

La collecte systématique des «métadonnées» téléphoniques aux États-Unis est «constitutionnelle» et «légale», a abondé la sénatrice Feinstein, une démocrate. Elle a toutefois reconnu que les révélations de Snowden avaient conduit à «un malheureux, mais bien réel» scepticisme de l'opinion.

Le projet de loi qu'elle prépare avec son collègue républicain Saxby Chambliss «limite strictement l'accès aux données téléphoniques» et «interdira expressément la collecte du contenu des appels téléphoniques», a-t-elle expliqué.

Il codifie également l'exigence selon laquelle un analyste de la NSA doit avoir une «suspicion récente et étayée qu'un numéro téléphonique est associé au terrorisme pour pouvoir utiliser la base de données», a-t-elle détaillé.

Au cours de l'audition et dans une déclaration écrite, les responsables du renseignement ainsi que le numéro deux du département de la Justice, James Cole, ont réservé un bon accueil à ces modifications.

«Nous sommes ouverts à un certain nombre d'idées», affirment-ils. «Il y a quelques changements dont nous pensons qu'ils peuvent permettre d'accroître le respect de la vie privée, des libertés publiques ainsi que la confiance du public tout en respectant les besoins de la sécurité nationale».

Des sénateurs veulent aussi créer un poste d'«avocat constitutionnel», indépendant et dont le rôle serait d'apporter la contradiction au gouvernement fédéral face aux juges de la Foreign Intelligence Surveillance Court (FISC), responsable de superviser les programmes de surveillance et dont les audiences et les décisions sont secrètes.

«Cela aiderait à rassurer les Américains et vous permettrait de continuer à faire le travail très important qui est le vôtre», a fait valoir le démocrate Mark Warner.

«Nous sommes d'une manière générale d'accord», a répondu James Clapper.

Mais l'effort de transparence a également montré ses limites quand un sénateur, Ron Wyden, a demandé si la collecte des données téléphoniques incluait la géolocalisation des appels passés sur téléphones portables. Le patron de la NSA ne lui a pas répondu.