Le directeur du renseignement américain a tenté de reprendre la main face aux critiques visant la NSA, accusée de violer la vie privée, en admettant jeudi que les révélations d'Edward Snowden avaient provoqué un débat salutaire.

Alors que les révélations de presse, s'appuyant sur des documents fournis par l'ex-consultant, se multiplient depuis juin, les Américains découvrent chaque jour un peu plus l'ampleur des programmes de surveillance de l'Agence nationale de sécurité (NSA) et ses empiétements sur leur vie privée, en violation de la loi.

James Clapper, le directeur national du renseignement (DNI) qui chapeaute les 16 agences de renseignement du pays, tente de faire bonne figure depuis face aux conséquences des actes d'Edward Snowden, dépeint par nombre d'élus comme un «traître» qui a trouvé refuge en Russie.

Il n'est «pas un "lanceur d'alertes"», a martelé M. Clapper, faisant référence à la figure anglo-saxonne du whistleblower, qui désigne une personne divulguant des secrets d'État révélant des violations des droits.

«Je déteste avoir à le reconnaître, mais ce qui s'est passé --et qui est nuisible-- a suscité des conversations et un débat qui étaient en fait probablement nécessaires», a-t-il toutefois reconnu lors d'une conférence à Washington.

«S'il y a un aspect positif à cela, c'est peut-être ça», a estimé James Clapper tout en se disant «très inquiet» des conséquences de ces révélations sur l'efficacité des programmes de surveillance des communications.

La polémique provoquée par Snowden, dont sénateurs et élus de la chambre des Représentants se sont emparé, a conduit le président Barack Obama à promettre davantage de transparence et à annoncer le 9 août avoir «pris des mesures pour qu'il y ait (...) de réels garde-fous pour empêcher les abus et protéger les droits du peuple américain».

«Lame à double tranchant»

L'affaire Snowden «montre que nous devons être plus transparents sur la façon dont nous faisons notre travail», a admis le DNI. «Nous devons restaurer la confiance du public et de ses représentants», a-t-il ajouté, mettant en avant les déclassifications récentes de documents sur les activités de surveillance de la NSA.

Mais ces déclassifications jettent une lumière crue sur l'ampleur des violations des libertés publiques et de la vie privée par la NSA.

Plus que des malversations intentionnelles, les documents pointent vers une agence dépassée par les outils technologiques dont elle dispose et qu'elle ne maîtrise pas.

Un audit, réalisé en mai 2012, a ainsi recensé 2776 incidents au cours des douze mois précédents où des données de communications de citoyens américains ont été indûment collectées.

D'autres documents déclassifiés mardi --sur injonction judiciaire-- et représentant plus de 1800 pages-- montrent qu'entre 2006 et 2009, près de 17 800 numéros de téléphone ont été surveillés alors qu'environ 1800 présentaient un intérêt éventuel dans le cadre de la lutte antiterroriste.

Le nombre d'«erreurs» commises par la NSA a même conduit en 2009 le tribunal secret chargé de réguler ses activités --la Foreign Intelligence Surveillance Court (FISC)-- à sévir: pendant quelques mois cette année-là, la FISC a suspendu son autorisation de collecter les «métadonnées» téléphoniques (durée d'appel, numéro appelé) pour ne les autoriser qu'au cas par cas.

Cet effort de transparence permet toutefois de montrer que la FISC exerce un contrôle moins informel des activités de la NSA que ne le pensent nombre d'élus et d'associations.

Mais cette transparence accrue est cependant une «lame à double tranchant», a mis en garde James Clapper car les extrémistes que ces programmes sont censés aider à démasquer peuvent en tirer des enseignements, selon lui.

Mais pour le patron du renseignement, la solution existe: «nous pouvons faire avec davantage de supervision si cela donne confiance aux gens dans ce que nous faisons».