La Maison-Blanche a réagi avec vigueur jeudi à l'octroi par la Russie de l'asile à Edward Snowden, tout en essayant de dissuader le Congrès de limiter la surveillance des communications après les révélations du fugitif.

«Nous sommes extrêmement déçus du fait que le gouvernement russe ait pris cette décision malgré nos demandes très claires, et légales, en public et en privé, de voir M. Snowden expulsé vers les États-Unis pour qu'il réponde des accusations portées contre lui», a déclaré le porte-parole de l'exécutif américain, Jay Carney.

La Russie a accordé un asile temporaire à M. Snowden, qui a quitté jeudi l'aéroport de Moscou où il était bloqué depuis plus d'un mois et se trouve désormais dans un lieu «sûr», mais inconnu.

Cet ancien consultant du renseignement américain est inculpé d'espionnage par son pays pour ses révélations sur les opérations de surveillance massive des communications effectuées par l'Agence de sécurité nationale (NSA).

Interrogé sur le maintien d'un sommet bilatéral début septembre entre le président Barack Obama et son homologue russe Vladimir Poutine à Moscou avant le G20 de Saint-Pétersbourg, M. Carney a laissé entendre qu'il était désormais incertain, après des semaines d'ambiguïté sur cette question.

«Nous avons de nombreux intérêts avec les Russes, et nous évaluons l'utilité d'un sommet», a expliqué le porte-parole. La participation de M. Obama au G20 n'est en revanche pas remise en question selon lui.

L'influent sénateur républicain John McCain, adversaire malheureux de Barack Obama en 2008, a quant à lui eu une réaction plus musclée: l'asile à Snowden constitue une «gifle pour tous les Américains», a-t-il dénoncé en appelant M. Obama à réévaluer ses relations avec M. Poutine.

M. Carney a refusé de tirer un trait sur ces relations: il a assuré que la stratégie de «remise à zéro» avec Moscou professée par M. Obama au début de son premier mandat, en 2009, avait été fructueuse. «Notre relation avec la Russie (...) est fondée sur le réalisme», a-t-il aussi expliqué.

Imbroglio diplomatique, crise politique

«En raison de Snowden et de la répression politique (...) si Obama participe à un sommet bilatéral avec Poutine, il va être critiqué» aux États-Unis, avait auparavant expliqué à l'AFP un spécialiste des relations russo-américaines, Steven Pifer.

«La vraie question est de savoir si Poutine est prêt à rendre ce sommet suffisamment fructueux pour que les résultats justifient le coût politique que le président paiera», avait ajouté ce membre de l'institut Brookings de Washington.

L'imbroglio diplomatique se double en effet d'une crise politique: l'annonce de l'asile accordé à M. Snowden est intervenue alors que l'administration démocrate doit faire face à une contestation parlementaire sans précédent contre les programmes de surveillance au Congrès.

Le 24 juillet, la Chambre des représentants a rejeté d'extrême justesse un amendement qui aurait coupé le financement de ces programmes. Ce texte a fédéré aussi bien des élus du camp de M. Obama que des conservateurs, malgré les consignes de vote de l'administration démocrate et du chef républicain de l'assemblée.

Tentant de relâcher la pression, la Direction du renseignement (ODNI) a déclassifié mercredi des documents secrets sur les opérations de surveillance, au nom de la «transparence».

Interpellé jeudi sur l'affaire Snowden par des journalistes dans le Bureau ovale à l'issue d'une rencontre avec son homologue yéménite, M. Obama a refusé de s'exprimer. Dans ses rares interventions publiques sur le fond, le président avait appelé à trouver un «équilibre» entre la transparence et la sécurité nationale.

Nouvel indice de son implication dans ce dossier, M. Obama a rencontré jeudi après-midi «des élus du Congrès des deux partis, pour discuter de programmes cruciaux» du renseignement, selon son programme quotidien.

La Maison-Blanche et les chefs des commissions du Renseignement au Sénat et à la Chambre ont estimé, dans des communiqués distincts à l'issue de cette rencontre, qu'elle avait été «productive».

«Nous allons continuer à oeuvrer pendant les vacances d'août à améliorer la transparence et à renforcer la protection de la vie privée pour soutenir davantage la confiance des Américains dans nos programmes antiterroristes», ont promis les parlementaires.