L'ex-consultant du renseignement américain Edward Snowden «n'a pas peur» et ne regrette pas ses révélations fracassantes sur un programme américain secret de surveillance des communications mondiales, a déclaré mercredi à l'AFP le journaliste Glenn Greenwald, qui lui a encore parlé mardi.

Le journaliste du quotidien britannique The Guardian, qui vit à Rio de Janeiro depuis plusieurs années, raconte comment il a été contacté par Snowden pour publier ses révélations.

Q : Dans quel état d'esprit de trouve Snowden?

R : «Nous nous sommes parlé samedi et de nouveau mardi. Il est très calme, il n'a pas peur. Il est absolument heureux des choix qu'il a fait. Il est un peu anxieux sur la prochaine étape (...), mais il est très satisfait du débat qu'il a provoqué. Nous n'avons pas parlé de ses plans d'asile politique. Je ne sais pas ce qu'il envisage de faire. (Snowden a reçu des offres d'asile du Venezuela, de la Bolivie et du Nicaragua, mais n'a pas encore pris  officiellement de décision, selon WikiLeaks, ndlr).

Q : Comment Snowden vous a-t-il contacté?

R : Quand j'ai commencé à parler avec lui, il se trouvait déjà à Hong Kong (d'où il s'est ensuite rendu à Moscou après avoir fui les Etats-Unis, ndlr) et il m'a demandé de me rendre là-bas pour le rencontrer. Je lui ai dit que j'avais besoin de voir quelques documents pour savoir si cela valait la peine. Il m'a envoyé une vingtaine de documents et c'est la chose la plus impressionnante que j'ai vue au cours de ma vie. Le lendemain, j'ai voyagé à New York et le surlendemain à Hong Kong. Quand je l'ai rencontré, il m'a remis deux boites (de documents).

Q : À ce moment, vous connaissiez son identité?

R : Le jour de mon arrivée à Hong Kong, il m'a montré des documents officiels: son numéro de sécurité sociale, son identification par le gouvernement. C'est là que j'ai connu son nom.

Q : Comment décririez-vous votre relation?

R : C'est une source, mais j'ai beaucoup d'admiration pour ce qu'il a fait, je crois que c'était héroïque. Je suis préoccupé et j'espère qu'il s'en sortira au mieux.

Q : Pourquoi Snowden vous a-t-il choisi vous?

R : Il m'a dit qu'il me lisait depuis plusieurs années, en raison de mon opposition à la surveillance des communications. Mais je crois que la raison principale c'est qu'il savait que je serais déterminé à révéler ces documents. Il ne voulait pas confier sa vie à quelqu'un qui s'assiérait dessus et serait intimidé par les autorités. Il connaît ma philosophie. Il savait que je ne ferais pas ça.

Q : Quand vous avez examiné les documents, qu'avez-vous trouvé?

R : Certains étaient des documents légaux. J'ai été avocat avant de devenir journaliste. J'ai pu les comprendre. La première chose que nous avons publiée était une injonction juridique aux compagnies téléphoniques pour qu'elles remettent à la NSA tous les relevés d'appels de leurs clients. Il y a également d'autres documents complexes, techniques, pour beaucoup codifiés. Il faut beaucoup de temps pour les déchiffrer.

Q : Vous croyez-vous surveillé?

R : Bien sûr, je n'ai pas le moindre doute que le gouvernement américain surveille mes communications.  Je pars toujours du principe que je suis sous surveillance. Quand j'utilise mon ordinateur, je prends soin de tout crypter. Par ailleurs, on m'a dit qu'il y avait une forte présence de la CIA à Rio et je crois qu'ils me suivent. Mais cela ne va pas m'arrêter.

Q : Avez-vous été menacé?

R : Non, certains hommes politiques ont demandé mon arrestation, en argumentant que ce que je faisais était un crime. Quand j'étais à Hong Kong, j'ai parlé sur Skype avec mon compagnon pour lui dire que j'allais lui envoyer des documents protégés. Quelques jours plus tard, son ordinateur a été volé. Mais menacé directement, non.

Q : Y aura-t-il de nouvelles révélations?

R : Je viens d'écrire trois articles pour (le journal brésilien) O'Globo sur l'espionnage massif au Brésil et en Amérique latine. Il y a beaucoup d'autres histoires comme celles-là. Cela prend du temps, mais elles vont sortir.