Le mystère restait entier autour de l'ex-consultant de la CIA Edward Snowden accusé d'espionnage par Washington et qui était invisible lundi à Moscou, alors que les États-Unis ont menacé la Russie de représailles pour avoir ignoré ses demandes d'extradition du fugitif.

M. Snowden a multiplié depuis le 5 juin les révélations sur la collecte par la NSA de données téléphoniques et internet aux États-Unis et à l'étranger.

Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a affirmé lundi que Snowden était «en bonne santé et en sécurité», sans préciser où l'Américain se trouvait, dans une conférence par téléphone à l'ambassade d'Équateur à Londres où il est réfugié depuis un an.

L'ex-consultant de la CIA, dont les États-Unis ont invalidé le passeport, a quitté Hong Kong dimanche avec «des papiers de réfugié» délivrés par l'Équateur, a affirmé M. Assange.

Les informations contradictoires se multipliaient sur le sort de M. Snowden, qui n'a apparemment pas embarqué à bord du vol Moscou-La Havane sur lequel il était enregistré et qui a décollé lundi en début d'après-midi.

Selon une source proche du dossier citée par l'agence Interfax, M. Snowden a sans doute déjà quitté la Russie.

«Edward Snowden a probablement déjà quitté la Russie. Il a pu prendre un autre vol. Il est peu probable que les journalistes aient été témoins du décollage de son avion», a dit cette source.

Mais une autre source au sein des services de sécurité de l'aéroport a affirmé à l'agence officielle Itar-Tass que l'Américain se trouvait encore dans la zone de transit de l'aéroport Moscou-Cheremetievo.

Snowden était censé partir à Cuba pour rejoindre ensuite l'Équateur où il a demandé l'asile politique. Mais selon une source au sein des services de sécurité de la capitale russe et des journalistes de l'AFP à bord de l'appareil, il n'était pas dans l'avion.

Après le décollage de l'avion, l'ambassade d'Équateur à Moscou a dit lundi ne pas savoir où se trouvait l'Américain, selon l'agence Ria Novosti.

Il est arrivé dimanche à Moscou en provenance de Hong Kong, d'où il avait publié ses révélations fracassantes sur la surveillance opérée par les agences américaines.

Il s'était réfugié à Hong Kong le 20 mai après avoir quitté son domicile de Hawaï.

Enregistré sur un vol de la compagnie Aeroflot pour Moscou, il n'a toutefois pas été vu au point de contrôle des passeports à l'aéroport Moscou-Cheremetievo à l'arrivée dimanche de l'avion en provenance de Hong Kong.

Il semblait se trouver dans la nuit de dimanche à lundi dans la zone de transit de l'aéroport, où il y a un hôtel. Cependant, des journalistes de l'AFP sur place ne l'ont pas vu non plus.

Le président équatorien, Rafael Correa, a annoncé lundi que son pays analyserait «avec une très grande responsabilité» la demande d'asile d'Edward Snowden.

«Nous prendrons la décision que nous estimons la plus adaptée dans le respect absolu de notre souveraineté», a ajouté M. Correa, dans un message posté sur son compte Twitter.

Le chef de la diplomatie équatorienne, Ricardo Patino, a estimé qu'avec cette affaire, il y allait «de la liberté d'expression et de la sécurité des citoyens dans le monde».

Inculpé notamment d'espionnage, Edward Snowden encourt 30 ans de réclusion aux États-Unis.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a menacé lundi la Chine et la Russie de conséquences sur leurs relations avec Washington, en jugeant «très décevant» le fait que l'ancien consultant de la CIA ait pu voyager de Hong Kong vers Moscou.

La décision de le laisser partir de Hong Kong a «incontestablement» un impact négatif sur les relations sino-américaines, a averti la Maison Blanche.

Snowden a «trahi son pays», a affirmé le chef de la diplomatie américaine, en visite en Inde.

Washington avait exhorté lundi matin Moscou à l'expulser pour qu'il réponde des charges contre lui, invoquant la coopération entre les deux pays.

Des sources informées ont indiqué à l'agence Interfax que la Russie étudiait une demande d'extradition présentée par les États-Unis.

Mais une autre source a déclaré que M. Snowden ne pouvait pas être interpellé et extradé «dans la mesure où il n'a pas franchi la frontière russe», faisant apparemment allusion à la présence du jeune Américain dans la zone de transit de l'aéroport Moscou-Cheremetievo.

L'Équateur a déjà accordé l'asile à Julian Assange, lui-même recherché par les États-Unis pour avoir publié en 2010 des centaines de milliers de documents diplomatiques confidentiels.

M. Assange, réfugié depuis un an à l'ambassade de l'Équateur à Londres pour échapper à une extradition, a apporté un soutien appuyé à Edward Snowden.

WikiLeaks a fustigé sur Twitter le comportement de Washington à l'égard de la Russie, qualifiant ces «intimidations» de «contre-productives».

«Aucun État qui se respecte n'accepterait de telles demandes illégales», a ajouté l'organisation.

«La chasse est lancée», avait déclaré dimanche sur la chaîne de télévision CBS Dianne Feinstein, présidente de la commission du Renseignement du Sénat américain.

Les autorités de Hong Kong avaient expliqué ne disposer d'aucune arme juridique pour retenir Edward Snowden, faute d'avoir reçu des autorités américaines les documents d'incrimination nécessaires.

Le député hongkongais, Albert Ho, qui a été le conseil de M. Snowden pendant son séjour dans le territoire autonome chinois, a dit sa conviction lundi que Pékin avait orchestré en toute discrétion le départ de l'Américain.

L'annonce du départ de M. Snowden pour Moscou, même pour un transit, avait fait sensation, la Russie, dont les relations avec les États-Unis reprennent dernièrement des accents rappelant la Guerre froide, ayant indiqué qu'elle examinerait le cas échéant une demande d'asile politique du jeune Américain.

Selon une source au sein des services secrets russes, ces derniers ont pu s'entretenir avec l'Américain pour obtenir des informations confidentielles sur les États-Unis.

PHOTO MAXIM SHEMETOV, REUTERS

Le siège apparemment réservé pour Snowden était libre.