Les révélations d'Edward Snowden selon lequel deux réunions du G20 en Grande-Bretagne ont été l'occasion pour les Américains d'espionner le président russe Dmitri Medvedev, et pour les Britanniques de surveiller les Turcs et les Sud-Africains, ont embarrassé Londres lundi, «scandalisé» Ankara et «inquiété» Moscou.

La réaction la plus vive est venue de Turquie. Le chargé d'affaires de l'ambassade de Grande-Bretagne à Ankara a été immédiatement convoqué (en l'absence de l'ambassadeur) au ministère turc des Affaires étrangères pour s'expliquer sur les allégations rapportées par le quotidien The Guardian, selon un diplomate turc.

Les autorités lui ont fait part de leurs «préoccupations» et indiqué qu'elles exigeaient des explications «officielles et satisfaisantes» de la part de Londres.

«Si ces informations sont fondées, un tel acte de la part d'un pays allié est inacceptable», avait auparavant souligné le ministère turc des Affaires étrangères.

Pour sa part, Alexei Kvassov, le sherpa russe au sommet du G8 lundi et mardi à Lough Erne, en Irlande du Nord, a ainsi répondu aux journalistes qui lui demandaient si Moscou était préoccupé par les révélations d'Edward Snowden : «non, pas dans le contexte des préparatifs du G8, mais en tant que pays prenant des dispositions pour protéger ses propres informations, alors là nous sommes inquiets», a-t-il dit.

L'Afrique du Sud a, quant à elle, demandé au Royaume-Uni «une enquête complète en vue de prendre des mesures fortes et visibles contre les auteurs» de ces faits.

Edward Snowden, 29 ans, ex-agent de la CIA, ancien analyste de l'agence nationale (américaine) de surveillance NSA (National Security Agency) et aujourd'hui «taupe» du Guardian, a par ailleurs rejeté l'accusation selon laquelle il est un espion chinois, ajoutant : «La vérité est en marche et ne pourra pas être arrêtée». Il a également promis de plus amples détails sur la manière dont la NSA peut avoir un «accès direct» à des données sur l'internet.

Après avoir suscité la colère de Washington avec ses fuites ayant révélé l'ampleur de la surveillance électronique opérée par les services de renseignement aux États-Unis, il a visiblement indisposé le premier ministre britannique David Cameron, l'hôte du sommet des huit pays les plus développés.

«Je ne fais pas de commentaires sur les questions de sécurité et de renseignement, aucun autre gouvernement ne l'a fait, et ce serait là un précédent» a-t-il sèchement répondu aux journalistes.

D'après les documents produits par Edward Snowden, un dispositif sophistiqué d'écoutes et d'interception des télécommunications a été testé par les Britanniques à deux reprises. Pendant une réunion des ministres des Finances, puis à un sommet du G20, rassemblant les principaux pays développés et émergents, respectivement en avril et septembre 2009.

Selon lui, la délégation du ministre turc des Finances Mehmet Simsek, et celle d'Afrique du Sud avaient fait l'objet d'attentions toutes particulières.

Une note secrète de la NSA vue par le Guardian semble par ailleurs indiquer que les Américains ont tenté d'écouter les appels satellitaires à Moscou du président russe de l'époque, Dmitri Medvedev.

L'ordre du jour des deux rencontres internationales avait été dominé par l'examen des plans de sortie de la crise économique mondiale.

C'est le très confidentiel centre d'écoutes des services secrets britanniques (Government Communications Headquarters ou GCHQ) - pendant et partenaire de la NSA -, qui aurait été chargé de l'exécution du programme de surveillance du G20.

Jusqu'à 45 analystes, membres du GCHQ et des services secrets MI6, auraient été mobilisés 24 heures sur 24 pour accéder aux ordinateurs de participants, et intercepter des conversations, des SMS, des courriels, en piratant des ordinateurs et BlackBerry notamment, à en juger par des documents auxquels le Guardian a eu accès.

M. Snowden a acquis une notoriété immédiate et fulgurante en révélant, début juin, l'étendue de la surveillance électronique pratiquée aux États-Unis.

Washington le menace de poursuites pour «atteinte à la sécurité nationale». Mais, dans le même temps, le gouvernement de Barack Obama a dû s'employer à rassurer les Américains inquiets d'une dérive de type «Big Brother» et de nombreux alliés, à commencer par l'Union européenne sourcilleuse quant à la protection des données.

La semaine dernière, en pleine tempête Snowden, il avait dû se défendre de toute collusion illégale entre les services américains et britanniques et de toute pratique illicite.

Deux autres affaires d'espionnage de forums internationaux au parfum de guerre froide ont défrayé la chronique en 2003 et 2004. Dans le premier cas, des «dispositifs électroniques inconnus» ayant visé le Conseil européen avaient été découverts à Bruxelles. Dans le deuxième, des micros avaient été dissimulés derrière une boiserie du siège des Nations unies à Genève.