Il est 7h00 ce dimanche. Grand silence sur l'Hôtel Christopher, siège de la Mission de stabilisation de l'ONU en Haïti (Minustah) pulvérisé par le séisme. Soudain, le son d'une pierre contre un mur résonne: du fond du néant Jen Kristensen dit qu'il est en vie.

Sept heures après, le staff de l'ONU est en arrêt. Décimé quand son QG s'est effondré, il regarde cet employé danois sortir du trou noir sans une égratignure.

«Cinq jours après le séisme! Comment est-ce possible? C'est tout simplement un miracle», lâche le chef des pompiers de la Minustah, coordinateur des opérations de secours à l'Hôtel Christopher, Neville Fouche.

Ce sont surtout des morts que les secouristes ont extrait des décombres du bâtiment de six étages. 25 depuis le début. Six personnes avaient jusque là été sauvées mais la dernière fois c'était jeudi. Sur le site, où une quarantaine d'employés de l'ONU seraient toujours ensevelis, l'espoir fuyait de voir un jour sortir quelqu'un vivant.

«Tout était très calme ce matin. Et on a entendu le bruit d'une pierre contre un mur», raconte M. Fouche. Les secouristes américains avertis accourent sur le chantier. Commencent à déblayer. Introduisent une caméra et voient une main. «Ne t'inquiète pas, on va te tirer de là».

Jen Kristensen revient dans le monde des vivants, déshydraté mais souriant. «Merci, merci», lance-t-il aux membres de la Virginia Task Force 2 Urban Search and Rescue Team.

«Incroyable!». «Jamais vu ça en 15 ans!». Les secouristes eux-mêmes n'en reviennent pas. «Il y a toujours une petite chance mais après tant de jours dans ces conditions, sans boire ni manger il est difficile d'imaginer trouver quelqu'un en vie. Je suis content!», lance l'un d'eux.

«Un miracle», a commenté le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, venu dimanche constater l'étendue des dégâts.

Une chance, mais un profond désarroi

Assis sur une chaise, un employé de la Minustah sourit mais il a le visage triste et figé. «C'est une chance. Mais moi j'attends qu'on fouille plus bas. Ma femme se trouvait à l'endroit où ils l'ont découvert, deux étages au-dessous. Ca donne un peu d'espoir mais il faut que cela aille vite», dit-il sous couvert de l'anonymat.

Lui, en a réchappé de justesse. Il sortait du bâtiment lorsqu'il s'est aplati comme une crêpe en quelques secondes. «J'étais juste là. C'était énorme, tout a bougé, tout tremblait, quelqu'un s'est accroché à moi. Je me suis retourné et il n'y avait plus d'immeuble», raconte-t-il. Avec d'autres il a fait des recherches à la main. Ils ont sorti une personne.

Neville Fouche, lui, était à la base logistique de l'ONU, à la sortie de l'aéroport, quand la sécurité du Christopher l'a contacté à la radio pour lui annoncer la catastrophe. «Tout le monde était sous le choc».

Dans l'enceinte de la Minustah, située sur une colline verdoyante du quartier Bourdon, d'autres bâtiments se sont effondrés. Au total 40 employés sont morts, dont le chef de mission, le Tunisien Hedi Annabi, et 330 sont toujours disparus.

«C'est un profond désarroi, tous mes collèges sont morts», murmure un responsable de la sécurité sous couvert de l'anonymat. De «l'amertume» aussi. «L'ONU loue le bâtiment depuis longtemps mais vous savez comment ils construisent en Haïti...»

A l'entrée de l'enceinte, l'odeur de la mort prend à la gorge. Dans une bâtisse, des Haïtiens ont allongé des cadavres. Dans une autre, un 4X4 flanqué du logo «UN» semble sur le départ, éventré à l'arrière par le béton. Ailleurs, un chien mort, comme en veillée mortuaire devant un panneau de la «Minustah Police».