À 10 kilomètres de Port-au-Prince, les habitants de la ville de Carrefour se morfondent en attendant une aide qui ne vient pas. Quelque 5000 d'entre eux s'entassent sur le terrain d'un orphelinat qui a été transformé en camp de fortune. Parmi eux, une fillette qui incarne l'espoir. Elle a été rescapée après trois jours passés dans les décombres de sa maison.

Âgée de quatre mois, Marvens vient d'atterrir à l'orphelinat de Carrefour, secourue après avoir passé trois jours dans les décombres de sa maison. Sa vie vient à peine de commencer que, déjà, son petit monde s'écroule. Littéralement.

Cette mignonne enfant aux boucles brunes est l'unique survivante du tremblement de terre qui a emporté ses cinq frères et soeurs, ainsi que sa mère. Une famille entière, qu'elle n'a pratiquement pas eu le temps de connaître.

Sur le terrain de l'orphelinat Saint-Tabernacle-de-la-Grâce, il y a aussi une école et une église. Environ 5000 sinistrés s'entassent dans un camp de fortune érigé à cet endroit.

Emmitouflée dans les bras de sa cousine, Marvens a les yeux grands ouverts braqués sur le ciel.

Son petit bras est en écharpe et plusieurs ecchymoses couvrent son joli visage.

Au milieu des gens et des bâtiments en ruine, l'enfant est considérée comme une miraculée. Pour plusieurs, elle incarne l'espoir. Le triomphe de la vie, en quelque sorte.

«Elle a passé trois jours sous la maison. En fouillant les décombres, des gens l'ont retrouvée en soulevant des morceaux de béton», explique Anika, qui nous escorte dans cette ville rasée et coupée du monde.

La tension est palpable

Une centaine d'enfants campent sur le terrain devant le vieil orphelinat défraîchi. Personne ne dort dans l'édifice instable et fissuré. Des matelas ont été installés dans de vieux conteneurs alignés dans la cour.

Laissant leurs chaussures à l'entrée de leurs abris d'acier, les enfants s'amusent, sautent sur leurs matelas, font un pied de nez à la désolation qui les entoure.

Laissés à eux-mêmes, les gens de Carrefour ne sont pas en mesure d'établir un bilan des ravages causés par le séisme. «On ignore combien il y a de blessés, de morts, mais on a mis sur pied une équipe pour en faire le recensement», explique, le visage long, le pasteur Ravix, responsable du site.

L'homme ne sait toujours pas si le tremblement de terre conduira d'autres enfants à l'orphelinat.

Malgré le chagrin qui l'accable - il a lui-même perdu deux enfants dans la catastrophe -, il doit trouver la force de s'occuper des milliers de sinistrés qui ont pris d'assaut son terrain.

Mais sa bonne volonté a ses limites. Les réserves de nourriture et d'eau commencent à se faire rares et la tension est déjà palpable sous les abris de fortune éparpillés. «Ici, on a rien. Des hélicoptères survolent les lieux mais ne se posent jamais», résume le pasteur, résigné.

Prix gonflés

La situation fait d'ailleurs augmenter les prix de la nourriture vendue par des vendeurs itinérants, qui étendent leur marchandise sur des couvertures. «Les gens qui ont réussi à récupérer de la nourriture dans les ruines de leur maison s'improvisent aujourd'hui commerçants. Il faut maintenant payer 10 gourdes (30 cents canadiens) pour un sac de croustilles qui en vaut d'ordinaire une (3 cents)», explique Anika.

Les blessés sont aussi nombreux sur les lieux. Leurs proches réclament de l'aide, mais il n'y a aucun médecin dans les parages. Pour calmer la douleur, plusieurs sinistrés préconisent la médecine traditionnelle, comme cet homme qui applique un onguent à base d'orange et d'aloès sur la jambe de sa femme.

À la sortie de la ville, les sinistrés ont creusé des fosses pour y enfouir les corps des victimes, à l'aide de gros camions.

Mais l'odeur de la mort flotte partout dans les rues étroites de Carrefour.