Plus de trois semaines après le séisme meurtrier, les dons en nature continuent de s'accumuler en Haïti, mais se trouvent un peu dans des limbes en raison des coûts et d'une logistique compliquée à ordonner.

Cet afflux de dons vient malheureusement rappeler que beaucoup de généreux donateurs ont ignoré les appels à n'envoyer que de l'argent.

Au milieu des packs de bouteilles d'eau et des cartons de jeans, de couches pour bébé et de boîtes de thon qui s'empilent dans son salon, Ruth Estriplet se demande comment elle va bien pouvoir acheminer ces dons.

«On est à l'écoute de toute personne qui a une idée sur la façon de le faire et ouverts à toute suggestion», signale cette travailleuse humanitaire qui collecte les dons pour la population de Carrefour, un quartier ravagé de Port-au-Prince dont elle est originaire.

Comme beaucoup d'associations caritatives, elle a préféré collecter des dons en nature pour leur côté plus personnel. Mais la bureaucratie, l'engorgement des transports, la corruption et la crainte face aux flambées de violence ont ralenti la distribution de nourriture, de médicaments et de biens de toutes sortes.

Immédiatement après le séisme, les grandes ONG avaient déjà soutenu que la meilleure façon d'aider la population haïtienne était de donner de l'argent. Il n'a jamais été facile d'acheminer des biens à Port-au-Prince et le tremblement de terre n'a fait qu'aggraver les choses.

Bien avant le séisme, Michelle Lacourcière, directrice de la Fondation Sirona Cares à San Francisco, collectait des brosses à dent, de la nourriture, des béquilles, des fournitures scolaires et des produits de toilette qui devaient être acheminés gratuitement par l'US Air Force. Elle se retrouve aujourd'hui avec 560 mètres cube de marchandises qu'elle ne sait pas comment transporter en Haïti.

Certaines associations caritatives ont trouvé le moyen d'acheminer les dons en nature par l'intermédiaire de plus grosses organisations ou en envoyant leurs cargaisons dans d'autres ports haïtiens ou en République dominicaine voisine.

Le révérend Reginald Jean-Mary, pasteur à Notre-Dame d'Haïti à Miami, a ainsi donné ses cartons d'huile, de riz, d'eau et d'haricots à l'ONG Food for the Poor, mais le transport de chaque cargaison en Haïti coûte à l'organisation caritative internationale 5.000 dollars (3.650 euros).

Les dons financiers permettent de payer plus de choses, comme des vols vers la République dominicaine pour les médecins et les infirmières ou des camions servant à acheminer par la frontière tout le nécessaire pour préparer des plats chauds à la population, reconnaît le révérend Jean-Mary. «On envisage d'en faire davantage jusqu'à ce que les ports puissent ouvrir», ajoute-t-il. «La seule voie possible à mon avis aujourd'hui est la République dominicaine».

En général, le grand public veut avoir l'assurance que ses dons iront directement aux gens qui en ont besoin. Or, les appels des organisations à n'envoyer que de l'argent pourraient en décourager certains, à l'instar des écoliers qui souhaitent envoyer des pansements aux blessés, signale Hannah Belkovic de l'ONG américaine Partners in Development. «Le lien est rompu en quelque sorte dans la façon dont ils participent effectivement», déplore-t-elle.