Pauline Dorval est arrivée d'Haïti au Québec avec sa famille le 15 mars. Tout comme son mari, elle gagne déjà très correctement sa vie et envisage un retour aux études. Rapidement, avec sa famille, elle s'est installée dans un appartement tout à fait convenable, avec trois chambres à coucher. «Je n'ai pas à me plaindre», dit-elle. Cet atterrissage en douceur est loin d'être le lot de tous les Haïtiens immigrés ici depuis le tremblement de terre.»

Mme Dorval était bien outillée à son arrivée ici. Détentrice d'un diplôme en gestion, elle était infirmière auxiliaire en Haïti. Son époux, lui, enseignait l'histoire et la géographie. Ici, elle occupe un poste de commis de bureau qui l'amène à faire un peu de comptabilité.

Lui n'a pas encore trouvé un emploi à la mesure de ses capacités, mais ça va, dit Mme Dorval: il est agent de sécurité. De toute façon, il était impensable pour eux et leurs enfants de rester en Haïti. «J'ai peur du pays», dit Pauline Dorval.

Trop instable, trop difficile d'y gagner sa vie? Rien à voir. «En fait, depuis le séisme, nous sommes tous traumatisés. Les enfants, surtout, mais nous aussi, confie Mme Dorval. Moi, par exemple, je ne supporte pas que des gens courent et fassent vibrer le plancher. Quand ça arrive, je me sens mal.» Alors même si le couple avait en Haïti sa propre maison, des emplois qui correspondaient plus à leurs études, c'est ici qu'ils veulent faire leur vie. La bureaucratie? Les permis? Tout s'est fait facilement, dans les temps.

Manque d'entraide

Voilà qui tranche avec l'histoire de Marie-Ange (nom fictif), qui occupait un poste dans la sécurité en Haïti. Au Québec depuis janvier, elle a bien trouvé au départ un bon travail dans une pâtisserie, mais les choses se sont gâtées depuis. On lui a retiré son statut de résidente temporaire et son permis de travail, dit-elle, ce qui l'a empêchée de continuer de travailler. En discutant un peu, on comprend qu'en fait, elle a omis d'envoyer ses renouvellements dans les temps parce qu'elle n'avait pas l'argent requis.

Son mari est dans la même situation et le couple a deux enfants en bas âge. «Je veux retourner en Haïti, dit-elle. Là-bas, au moins, les gens s'entraident quand il y a un problème. On n'est pas laissés à nous-mêmes.»

Roger Petit-Frère, cofondateur du regroupement des intervenants d'origine haïtienne de Montréal-Nord, connaît bien le problème. «Les gens qui arrivent d'Haïti ont du mal à s'adapter au système. Souvent, plutôt que de dire qu'elle n'arrive pas à assumer le coût de tel ou tel permis, une personne laisse passer le délai», relève M. Petit-Frère.

Mais ces gens n'ont-ils pas obligatoirement un parrain au pays capable de les aiguiller? «Oui, mais même si cette personne habite ici depuis longtemps, elle ne sait pas nécessairement comment naviguer dans toutes les procédures. C'est compliqué, et à mon avis, le gouvernement canadien ne traite pas les dossiers avec toute l'humanité requise.»