Dans les jours qui ont suivi le terrible séisme qui a frappé Haïti en janvier 2010, le gouvernement canadien a craint que le pays ne soit déstabilisé de nouveau, mais cette fois, par des soulèvements populaires, selon des documents secrets obtenus par La Presse Canadienne.

Au moment même où les Haïtiens attendent les résultats des présidentielles, ces documents émanant du ministère des Affaires étrangères font état des profondes inquiétudes qui existaient à l'époque en ce qui a trait au leadership assuré par le gouvernement au cours des deux mois qui ont suivi la catastrophe.

Dans ces rapports, on évoque le «no man's land constitutionnel» haïtien et la nécessité d'opérer un «véritable changement de paradigme» au sein du gouvernement.

Ainsi, la réaction du gouvernement canadien aux lendemains du séisme aurait été fortement influencée par ces préoccupations d'ordre politique, selon les documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Le soutien qui devait être apporté aux autorités haïtiennes était nécessaire «afin de maintenir la confiance de la population d'Haïti et pour contenir les risques de soulèvements populaires», peut-on lire dans les documents.

Le gouvernement canadien a éventuellement déployé environ 2000 soldats afin de participer aux opérations de secours.

Et déjà, à l'époque, Ottawa s'inquiétait du retour d'un ancien président.

«La précarité de la situation politique (...) a alimenté la rumeur selon laquelle l'ancien président Jean-Bertrand Aristide, qui est présentement en exil en Afrique du Sud, souhaite organiser son retour au pouvoir», prévient une note de synthèse secrète.

Un peu plus tôt ce mois-ci, les craintes du Canada se sont matérialisées. Jean-Bertrand Aristide est effectivement rentré au pays, et ce, alors que la période électorale en vue du second tour des présidentielles battait son plein.

Son retour a succédé à celui d'un autre personnage controversé, l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier. Plusieurs acteurs de la communauté internationale ont prévenu que leur présence pourrait perturber le processus électoral.

La formation politique du président déchu Jean-Bertrand Aristide, le Fanmi Lavalas, - qui est toujours populaire auprès des citoyens pauvres de l'île - a été bannie des élections.

Mais la position d'Ottawa à cet égard a de quoi surprendre les critiques de la politique du gouvernement canadien en Haïti: le Canada a plaidé pour le retour du Fanmi Lavalas sur la scène politique haïtienne, toujours selon les mêmes documents.

La stratégie visait à «permettre au Fanmi Lavalas de participer aux élections législatives et présidentielles», ce qui l'aurait directement opposé à la formation politique du président sortant, René Préval.

Au final, le portrait de la situation haïtienne qui est brossé par le ministère des Affaires étrangères est peu reluisant.

«Haïti ... est confronté à un vide politique qui le rend vulnérable à un nombre important de menaces comme les groupes criminalisés ou les manipulations politiques».

Une fois le nouveau gouvernement élu, Haïti devra «créer une société plus inclusive, plus forte et plus engagée», ce qui est fondamental pour bâtir un pays «plus fort et plus prospère à long terme», disent les documents.