La distribution de nourriture au camp de la place Saint-Pierre, à Port-au-Prince, devait se dérouler de façon continue pendant deux semaines. Mais sans avertir la population, le Programme alimentaire mondial (PAM) y a mis fin, hier, causant une immense colère chez les sans-abri.

Rencontrée dans sa tente, où elle allaitait son enfant, Roselyne Edam ne comprenait pas pourquoi son camp n'avait pas reçu la nourriture promise. «Ils sont venus lundi et mardi en disant de ne pas paniquer, qu'ils reviendraient pendant deux semaines tous les jours. Mais là, ils ne viennent plus. On ne sait pas ce qui se passe», a-t-elle dénoncé.

La porte-parole du PAM, Natasha Scripture, explique qu'il a fallu changer les plans : «Il y avait trop de monde, a-t-elle dit. Ça ne fonctionnait pas. Ça créait des bouchons monstres et de la tension. On va trouver un autre emplacement et on va en informer la population.»

Stephen Benoît, député indépendant de Pétionville, où se trouve la place Saint-Pierre, accuse le gouvernement de n'avoir aucune emprise sur la distribution de l'aide alimentaire. «Les ONG font ce qu'elles veulent, a-t-il dit à La Presse. Elles font de gros shows médiatiques à des endroits clés, mais elles oublient des tonnes de plus petits camps qui ont aussi besoin d'aide. Comment peut-on accepter que, trois semaines après le séisme, des régions soient toujours oubliées?»

M. Benoît a d'ailleurs dirigé La Presse vers un de ces camps oubliés, à la place Boyer, dans Pétionville. Là, la présence d'une journaliste blanche s'est rapidement fait remarquer. Des dizaines de gens sont venus crier leur indignation. «Blanc! Blanc! On a faim!» criaient certains. «Coupon? Coupon?» demandaient d'autres, en référence au système de distribution mis en place par le PAM.

Selon ce système, des bénévoles se promènent dans les camps et donnent des coupons. Le jour de la distribution alimentaire, seules les personnes munies de ces petits papiers peuvent se procurer un sac de riz.

Quand les bénévoles viennent distribuer les coupons, seuls les plus forts parviennent à se frayer un chemin et à obtenir le précieux papier, dénoncent les habitants des camps. «C'est la jungle, ici, a dit Ketler Borga, qui habite à la place Boyer. Il faut avoir des muscles pour être aidé.»

«On doit se débrouiller. On n'a rien reçu depuis le début sauf un peu d'eau, a dénoncé Micheline Saint-Île, qui vit avec neuf autres personnes sous une toile. Les gens qui vont venir porter de l'aide devront être prêts. Ça risque de dégénérer, ici.»

Trois semaines après le séisme, l'aide alimentaire est toujours distribuée de façon aléatoire aux yeux des habitants. La tension commence d'ailleurs à monter à Port-au-Prince. Plusieurs coups de feu ont été entendus dans la nuit de mardi à hier à Pétionville. Hier matin, quelque 300 Haïtiens ont manifesté devant la mairie pour réclamer nourriture, travail et possibilité pour les enfants de retourner à l'école.

En début d'après-midi, un autre rassemblement a réuni environ 200 manifestants à quelque 4 km de l'ambassade des États-Unis, criant en créole leur besoin d'aide et bloquant la progression d'une longue file de 4x4 américains et de camions de l'ONU.

- Avec l'Agence France-Presse