Plusieurs centaines de personnes se sont recueillies lundi au nord de Port-au-Prince, près des fosses communes où certaines dépouilles des victimes du séisme sont enterrées, une cérémonie aux accents politiques organisée par les partisans de l'ancien président Aristide.

Au milieu de collines désertiques, face à la mer des Caraïbes, une pelleteuse nettoie un terrain où la mort rappelle sa présence, que ce soit par une odeur caractéristique ou un corps de femme en position foetale, accroché à un tas de débris.

Quelque 350 proches et amis de ceux des 170 000 victimes du séisme du 12 janvier enterrés dans un de ces charniers sont rassemblés pour une messe. Il ne s'agit pas d'une cérémonie spontanée mais d'un événement organisé par le Parti Fanmi Lavalas, du président déchu Jean Bertrand Aristide, accompagné des chants de la chorale de la Colombe d'or, financée par sa Fondation pour la démocratie.

«Jusqu'alors, je n'ai pas eu le temps d'honorer la mémoire de mes camarades de classe disparus», explique à l'AFP Desermithe Pierre, 16 ans, une des jeunes chanteuses, vêtue d'une jupe bleue et d'une cravate jaune.

Comme la quarantaine de ses camarades présents et presque la totalité des participants, elle porte un brassard noir sur une chemise blanche, en signe de deuil. Tous se recueillent dans ce paysage désertique, entre la montagne et la côte, où sont déjà enterrés dans des fosses communes des victimes de la répression des sanglantes dictatures haïtiennes.

«Nous allons chanter des chants de douleur, les chansons que nous avons pour les morts», dit-elle, visiblement très triste.

Non loin, plusieurs familles accrochent des rubans noirs à une croix blanche, plantée dans le sol pelé et caillouteux.

Elles regardent vers la fosse où plusieurs milliers de cadavres ont été enterrés, sans être sûres que les leurs en font partie.

«Nous savons qu'ils sont dans un monde meilleur», commente Jocely Lamaret, une femme robuste portant chapeau et robe de soie, sur fond de chants mélancoliques en créole.

La messe a lieu à l'heure la plus chaude de la journée. Après la cérémonie proprement dite, un des responsables de la fondation pour la démocratie, René Civil, prend la parole.

«A cause de la méchanceté des autorités, Aristide ne peut pas assister à cette cérémonie en mémoire des milliers de victimes de la catastrophe du 12 janvier», lance-t-il.

«Avec la mobilisation des militants Lavalas, 'Titid' doit retourner en Haïti avant longtemps», poursuit-il, utilisant le surnom donné par ses partisans à l'ancien président, qui vit en exil en Afrique du Sud depuis 2004 après avoir abandonné le pouvoir pour cause d'insurrection et sous la pression internationale. Ses partisans applaudissent et lancent des «Vive Aristide!».

Les familles et les prêtres entament alors une courte procession pour installer la croix en haut de la colline et y déposer des fleurs.

Ils prient, certains fondent en larmes, puis, pleins de poussière et recouverts de l'odeur des cadavres, ils reprennent l'un des huit autobus mis à leur disposition par le parti Lavalas pour repartir à Port-au-Prince.

Dès leur départ, une poignée d'enfants et d'adolescents tentent d'arracher la croix du sol pour en récupérer le bois, s'aperçoivent qu'elle est en fer et se dépêchent d'aller trouver quelqu'un qui pourra la leur échanger contre de la nourriture ou des vêtements.