À Port-au-Prince, la semaine dernière, les architectes Claude Robert et Jean-Paul Boudreau ont inspecté les structures d'un ancien hôtel maintenant occupé par des squatters. Diagnostic: l'immeuble est gravement fissuré. Prescription: évacuation immédiate et condamnation de l'entrée.

«Comme on partait, on a vu les enfants retourner jouer dans l'immeuble, se souvient, dépitée, Claude Robert. Mais bon, rendu là, nous n'y pouvons pas grand-chose.»

 

Les deux membres canadiens d'Architectes de l'urgence, dépêchés à Haïti le 16 janvier, sont rentrés le week-end dernier. Dans leurs valises, des tas de photos d'immeubles en miettes, des morceaux de béton à analyser et des idées de reconstruction à détailler.

Bien sûr, il y a l'urgence. Les sans-abri doivent être relogés au plus vite dans des abris temporaires. De nouvelles maisons devraient être construites d'ici six mois. Mais avant de reconstruire à neuf, il faut réfléchir avec les Haïtiens, insiste Claude Robert.

Compréhension de l'habitat

Les futures maisons devront d'abord être «haïtiennes»: conçues pour un climat chaud et humide avec des pluies qui lavent la région quatre mois sur douze. À quoi ressembleront-elles? «Une partie de la réponse se trouve dans une très bonne compréhension de l'habitat haïtien, dit Claude Robert. Le bidonville, de la façon dont il est construit, n'est pas mauvais en soi. Ce qui fait que le bidonville est moche, c'est que les eaux pluviales entraînent avec elles toute la pollution qui le rend impropre. Mais la façon dont vivent les Haïtiens, c'est ce qu'ils connaissent et ce qu'ils veulent voir réapparaître, c'est leur vision du monde. La réponse de la reconstruction ne doit pas trop s'en éloigner.»

Pas question, par exemple, de construire des tours à logements. «Ça ne correspond pas à leurs besoins, à leur façon de vivre, à ce qu'ils veulent, à leur culture.» Vu le nombre important de maisons à reconstruire, une construction en série sera privilégiée. Des maisons à un ou deux étages, bien aérées.

«On parle d'architecture bioclimatique: ventilation naturelle, pare-soleil à l'extérieur pour éviter la surchauffe à l'intérieur, utilisation de la végétation pour climatiser naturellement et pour se protéger du soleil qui pénètre dans les fenêtres au sud.»

Cette architecture était en partie présente dans Port-au-Prince parce qu'elle est économique; elle devra être généralisée dans une perspective d'architecture durable. «On n'a plus le choix, dit Claude Robert. Il faut adopter des prémisses de base qui font partie de l'art d'édifier et qui ont été rédigées dans les années 1600. On les a oubliées dans les dernières années avec tous les systèmes mécaniques et électriques. Mais à Port-au-Prince, c'est une réponse naturelle. On n'a pas le choix d'y revenir.»

Adapter les matériaux

Les matériaux utilisés devront être adaptés. Dans les dernières années, Port-au-Prince a misé sur le béton parce qu'il est peu coûteux, facile à fabriquer et qu'il nécessite peu de main-d'oeuvre spécialisée. Le problème, ont constaté les architectes, c'est que ce béton était souvent de mauvaise qualité: non seulement il contenait fréquemment trop de sable, ce qui le rendait moins solide, mais le sable contenait du sel, qui a provoqué la corrosion des armatures de métal.

Un ingénieur en structures d'Architectes de l'urgence doit se rendre bientôt à Port-au-Prince pour faire des inspections plus détaillées. Le reste de l'équipe préparera des projets de reconstruction et des demandes de financement pour les réaliser.