Melissa et Gerry Naugler attendaient cet instant depuis trois ans et demi. Le moment où ils pourraient serrer dans leurs bras Dakencia, 9 ans, et Dieulando, 4 ans.

Hier matin, les deux enfants étaient du premier voyage de petits Haïtiens adoptés par des parents canadiens qui sont arrivés au pays, 12 jours après le tremblement de terre.Après une très courte nuit, c'est par un froid glacial que 24 enfants, de 11 mois à 14 ans, ont atterri à Ottawa aux aurores. Les bambins emmitouflés dans des couvertures, les plus grands tenant fébrilement la main de leur accompagnateur, ils ont descendu les marches et foulé pour la première fois l'hiver canadien.

Le mercure affichait -10ºC, mais avec le vent glacial sur le tarmac, pour des enfants n'ayant jamais connu le froid, le choc était grand. Certains n'étaient chaussés que de simples sandales, les fillettes portaient des robes et les garçons des pantalons courts pour la plupart.

«Les enfants sont en bonne santé. Ils sont un peu surpris et étonnés de l'hiver, du temps qu'il fait aujourd'hui. Mais ils ont l'air très heureux», a souligné le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, sur place pour accueillir ce premier contingent d'orphelins haïtiens, quatre jours après qu'Ottawa eut annoncé son intention d'accélérer les dossiers d'adoption en fin de processus.

À travers les couvertures, et malgré le froid, les sourires étaient au rendez-vous. Ceux des petits, mais surtout ceux des parents, agglutinés aux fenêtres du centre d'accueil du Canada, à un jet de pierre du terminal de l'aéroport.

«Dès que j'ai vu l'avion atterrir, je ne tenais plus en place. Quand j'ai vu les enfants sortir, j'étais soulagé pour toutes les familles qui sont réunies aujourd'hui avec leurs enfants, a raconté Gerry Naugler. On les a serrés dans nos bras. J'étais inquiet de leur santé, mais ils vont bien. Ils ont dormi, ils ont mangé, ils ont beaucoup d'énergie.»

M. Naugler et sa conjointe ont fait le voyage de Moncton, au Nouveau-Brunswick, pour venir chercher les deux enfants qui viennent agrandir leur famille, après trois ans et demi de démarches et 12 jours d'inquiétude.

Longue attente

«Il y a eu des larmes, il y a eu de la joie. Tout le processus a été très difficile pour nous jusqu'à aujourd'hui. Jusqu'à hier soir, on ne savait pas si l'arrivée de ce matin se ferait à Ottawa ou à Montréal», a-t-il souligné, avant de reprendre le chemin vers la maison, où attendent impatiemment les deux enfants biologiques du couple, Noah et Jerrica.

Jean-Robert Vaval, Montréalais d'origine haïtienne, a lui aussi vécu de longs jours d'angoisse depuis le 12 janvier.

«C'était terrible. Ça fait trois ans qu'on attend. Et finalement, lorsque le séisme est arrivé, on était très inquiets. On a passé trois ou quatre jours sans pouvoir entrer en communication», a expliqué ce propriétaire d'un restaurant créole du boulevard Saint-Michel. Déjà parents de six enfants, lui et sa conjointe ont adopté Jordan, 14 ans, un orphelin hébergé jusque-là par des proches en Haïti. Mais le processus, là non plus, n'a pas été facile tous les jours.

«Chaque fois qu'on lui parlait, Jordan nous disait que le jour où il serait dans l'avion serait le jour où il saurait qu'il allait venir au Canada», a raconté le père de famille.

Des difficultés techniques, des problèmes de logistique, il y en a eu, et il y en aura encore, a prévenu le ministre Kenney.

Des 86 dossiers d'adoption finalisés dans les derniers jours, c'est d'abord une cinquantaine d'enfants haïtiens qui devaient partir sur ce premier vol. «Malheureusement, un des centres d'adoption a décidé de ne pas donner son approbation pour que les enfants, deux douzaines environ, puissent sortir», a expliqué le ministre Kenney. L'absence du directeur de l'orphelinat, qui se trouve aux États-Unis, en serait la cause. Certains pays, comme les Pays-Bas, ont davantage de facilité à accélérer les processus d'adoption en cours, a concédé M. Kenney, parce que tous les enfants se trouvent dans un ou deux orphelinats, alors que les familles canadiennes traitent avec de nombreux centres d'adoption, a-t-il dit.

«On fait tout ce qu'on peut pour en ramener le plus possible le plus rapidement possible, pour les sortir de l'instabilité actuelle, a soutenu le ministre. Mais le simple fait de les rassembler pose un défi logistique.»

D'autres vols devraient arriver dans les prochains jours, a-t-il estimé. Hier, sur les 24 enfants, 15 étaient destinés à des familles québécoises. Si, dans le cadre des prochains voyages, les néo-Québécois sont encore plus nombreux, les arrivées se feront plutôt à Montréal, a ajouté le ministre Kenney. Quelque 90 autres cas d'adoption sont en attente d'approbation par les provinces, et le processus pourrait ensuite prendre quelques semaines tout au plus.