«Jamais, jamais, jamais personne ne nous a appelés!», lance France Gosselin. Un cri de colère, de détresse et de frustration.

Elle sait que son père, Roger, est perdu dans les ruines de l'Hôtel Montana, à Port-au-Prince. Depuis 10 jours, elle téléphone au centre des opérations du ministère des Affaires étrangères à Ottawa. Elle téléphone quatre ou cinq fois par jour.

De cette quarantaine d'appels, elle n'a rien obtenu. Une fois, une seule, une oreille empathique l'a écoutée, jeudi après-midi, mais sans pouvoir lui donner un quelconque renseignement précis. Tous les autres appels lui ont semblé inutiles et à tous ces appels, à deux exceptions près, des anglophones ayant de la difficulté à comprendre le français étaient à l'autre bout du fil, raconte-t-elle.

Mme Gosselin est catégorique: personne au gouvernement n'a jamais initié un contact avec elle ou un membre de sa famille.

Il est vrai que le ministère des Affaires étrangères avait reçu presque 30 000 appels jeudi. Vrai aussi que 321 Canadiens sont toujours portés disparus en Haïti et que ça fait beaucoup de monde à retracer.

Mais le cas de Roger Gosselin et d'au moins neuf autres Canadiens est différent.

Ottawa sait où trouver certaines victimes canadiennes

Ottawa sait où les trouver. Ils sont à l'Hôtel Montana où, assure le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, «dès les premiers instants de la venue des Forces canadiennes, les gens de la Défense nationale étaient présents sur les lieux».

Cette déclaration, le ministre l'a faite en conférence de presse, à Ottawa, jeudi matin. Il ne pouvait donner aucun détail précis sur les efforts faits pour secourir les Canadiens de l'Hôtel Montana.

«Je pense qu'il y a toujours des effectifs canadiens qui sont présents, que ce soit des effectifs canadiens de la GRC ou d'autres, mais il y a des effectifs canadiens sur place», a-t-il dit.

Mais lorsque Mme Gosselin téléphonait à Ottawa pour savoir où en étaient les recherches à l'hôtel, «on m'a dit: «écoutez les nouvelles, ils sont mieux informés que nous».

Lorsqu'un des collègues de son père, sur place à Port-au-Prince, s'est présenté à l'ambassade canadienne il y a deux jours, «on lui a carrément dit qu'il n'y aurait plus aucune information qui sortait de l'ambassade et de ne pas revenir».

Quant à aller voir à l'hôtel même l'état des recherches, «dernièrement, les équipes de recherche là-bas ont bloqué l'accès au site», dit France Gosselin. Les collègues de son père n'y ont donc plus accès.

Roger Gosselin est un administrateur d'hôpitaux à la retraite. Il est allé en Haïti compléter le travail sur un projet financé par l'Agence canadienne de développement international.

«On ne pourra jamais passer au travers si on n'a pas au moins son corps», lance sa fille, la voix étouffée par les sanglots.

«Ils ne peuvent pas arrêter (les recherches). Ils n'ont pas le droit», ajoute-t-elle.

Au ministère des Affaires étrangères, on assure qu'éventuellement, il faudra récupérer les corps, identifier les victimes, rapatrier les dépouilles. C'est pour cette raison que deux agents de la GRC sont sur place.

«La GRC a envoyé deux experts qui prendront part à l'équipe d'Interpol qui se consacre à l'identification des victimes de catastrophes», écrit dans un courriel la directrice des communications du ministre Cannon, Catherie Loubier.

«Nous communiquons régulièrement avec les familles pour leur fournir des informations et pour les accompagner tout au long de ce processus», ajoute-t-elle.

Cette communication régulière, la famille de Roger Gosselin n'en a vu aucune trace.