Les images de petits Haïtiens émeuvent le monde entier, et c'est par dizaines que le Secrétariat québécois à l'adoption internationale reçoit des appels de citoyens d'ici désireux de sauver un enfant. Diverses organisations mettent cependant la population en garde contre toute précipitation qui pourrait favoriser le trafic d'enfants ou l'adoptions de tout-petits qui ont encore de la parenté en Haïti.

Certains pays ont été particulièrement actifs, comme les Pays-Bas, qui allaient chercher ces jours-ci 109 enfants dont l'adoption avait déjà été avalisée par les autorités haïtiennes. Idem pour la France, qui a promis d'accélérer le traitement des dossiers dans lesquels un juge a déjà autorisé l'adoption. Au Canada, on a aussi promis d'accélérer le processus, mais il n'est pas question pour l'instant d'aller chercher des enfants en particulier comme l'ont fait les Pays-Bas. La plus grande prudence s'impose de toute façon, a rappelé mardi l'Unicef. En Haïti, 48% de la population a moins de 18 ans. Plus de 2 millions de personnes ont été directement touchées par le séisme, soit environ 1 million d'enfants. L'agence de l'ONU craint maintenant que des réseaux criminels profitent de la situation pour se livrer au trafic d'enfants, d'autant plus que de tels cas avaient été signalés avant même le tremblement de terre.

Bernard Kouchner, chef de la diplomatie française, abondait en ce sens mardi : «Sous le bon prétexte de sauver des enfants, il ne faut pas qu'on soit accusé d'enlever les enfants. On ne peut absolument pas emmener des enfants comme ça sans savoir s'ils ont leur famille ou s'ils ne sont pas déjà dans un autre circuit.»

Même son de cloche du côté du Secrétariat québécois à l'adoption internationale et du Conseil canadien pour l'adoption, un organisme national qui a envoyé un communiqué en ce sens mardi.

L'adoption internationale, particulièrement par des gens qui n'ont pas de parenté avec l'enfant, n'est pas prioritaire, fait savoir l'organisme. De façon plus urgente, il faut plutôt protéger les enfants qui sont séparés de leurs parents, trouver des membres de leur famille et aider les orphelinats à faire leur travail.

Caroline Lebec, une Québécoise qui a entrepris des démarches pour adopter une petite dont elle a reçu une photo en décembre, s'inquiète justement de la capacité des orphelinats à assurer les besoins de base des enfants. «On dit que les enfants (destinés à des familles canadiennes) sont tous sains et saufs, mais les nouvelles que j'ai de la crèche où se trouve ma fille ne sont pas aussi rassurantes. J'entends dire que la directrice est seule avec 60 enfants et que toutes les nounous sont parties en province.»

Mme Lebec ne s'attend pas à ce que sa fille arrive dans les prochaines semaines. Et oui, elle est consciente que toutes les précautions doivent être prises pour qu'il n'y ait pas erreur sur la personne et pour éviter tout trafic d'enfant. «Si on me disait qu'elle a été transférée à l'ambassade en République dominicaine, qu'elle a à boire et à manger, je serais un peu plus tranquille. Je veux juste que ces enfants soient pris en charge. Qu'ils ne meurent pas.»