La tragédie haïtienne a une résonnance toute particulière pour des dizaines de couples québécois qui avaient déjà entamé des procédures d'adoption et qui attendaient un enfant de ce pays.

Le comédien Jeff Boudreault est de ceux-là. «Le jugement d'adoption était déjà passé, ce n'était plus qu'une question de semaines avant que nous n'allions chercher notre fille», explique-t-il.

 

Voilà trois ans que M. Boudreault et sa conjointe ont entrepris des démarches d'adoption. Une attente d'autant plus difficile qu'en Haïti, les parents adoptants ont très rapidement le nom et des photos de l'enfant qui leur est destiné, contrairement à d'autres pays où ces informations ne sont transmises que dans les dernières étapes de l'adoption.

«Notre fille a maintenant 4 ans, nous l'avons vue grandir sur photo et comme bien d'autres couples québécois, nous en étions rendus à l'étape d'aller lui chercher un passeport canadien.»

M. Boudreault espère qu'Ottawa et Québec travailleront ensemble pour faire arriver les enfants qui ont déjà fait l'objet d'un avis favorable d'adoption par un juge haïtien. Le gouvernement canadien a promis d'agir et il a assuré en fin de semaine qu'il y aurait accélération des dossiers de réunification familiale, y compris les cas d'adoption d'enfants en cours de processus.

Une Québécoise qui écrit un blogue, Chatalou, a mis sur son site une photo de Manuela, la petite Haïtienne qu'elle et son conjoint attendent toujours. «J'aurais aimé être près de toi quand le tremblement de terre a passé. J'aurais aimé être là pour te réconforter. J'aurais aimé être là pour te venir en aide et pour apaiser tes pleurs. J'aurais aimé te dire: «Je t'aime»», peut-on lire.

Deux organismes québécois s'occupent d'adoption en Haïti. D'une part, Accueillons un enfant, d'autre part, l'organisme Soleil des nations. Les orphelins attendus par des familles canadiennes seraient tous sains et saufs, selon les deux organismes.

C'est le même son de cloche du côté du Secrétariat à l'adoption internationale, qui chapeaute les deux organismes. «Nous sommes en lien avec sept crèches là-bas. L'une d'elles a été plus touchée, mais les enfants ont été relocalisés», indique Luce de Bellefeuille, directrice générale au Secrétariat à l'adoption internationale du Québec.

Le Secrétariat québécois à l'adoption internationale a fait savoir que jusqu'à nouvel ordre, les procédures d'adoption sont interrompues. Fort probable, ajoute-t-on, qu'elles prendront du retard lorsqu'elles reprendront.

Comme l'indique Mme de Bellefeuille, pas question de précipiter les choses en court-circuitant les autorités haïtiennes complètement débordées. Pas plus qu'il ne faut déjà envisager qu'Haïti ouvrira toutes grandes les portes, Mme de Bellefeuille soulignant que plus de 80% des parents qui ne trouvaient plus leurs enfants, lors du tsunami de 2006, ont fini par être réunis avec eux.

Les Pays-Bas ont été particulièrement prompts à amener chez eux les enfants attendus par des couples néerlandais. Le ministre néerlandais des Affaires étrangères a annoncé hier l'arrivée de six enfants adoptés en Haïti. Aujourd'hui, un avion affrété par les Pays-Bas et deux organisations d'adoption devraient partir pour Haïti afin de ramener 109 enfants en cours d'adoption.

Aux États-Unis, la secrétaire d'État Hillary Clinton a déclaré: «Je veille personnellement à ce que nous fassions tout notre possible pour trouver et identifier ces enfants qui peuvent être adoptés, qui ont des familles qui les attendent.»

À Paris, une cinquantaine de couples en attente d'un enfant adopté en Haïti ont manifesté devant le ministère des Affaires étrangères, y déposant des bouteilles en plastique vides pour rappeler le besoin urgent des enfants en eau et en nourriture.