Robert Charles s'était rendu à Haïti pour les funérailles de son frère. Lundi dernier, c'est par «une seule minute» qu'il a manqué le vol qui devait le ramener à Montréal. Le lendemain, la catastrophe survenait.

«Une chance que j'ai raté mon vol. Ça m'a permis de participer aux secours», racontait-il d'une voix calme et assurée samedi midi devant l'hôtel Wyndham, où la Croix-Rouge accueille les ressortissants à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau.

M. Charles fait partie des quelque 460 ressortissants canadiens qui ont été rapatriés d'Haïti depuis le séisme (chiffres de samedi soir). S'il acceptait de parler aux médias, c'était pour transmettre un message tout simple. «Donnez, donnez, donnez, lançait-il en insistant sur chaque syllabe. La situation est pire que ce qu'on voit à la télévision. Les cadavres jonchent les rues, on se promène entre les cadavres, c'est la catastrophe.»

Comme plus d'une centaine de Canadiens, il attendait son rapatriement vendredi à l'ambassade canadienne. L'horaire des vols change fréquemment, et les ressortissants n'apprennent qu'à la dernière minute l'heure de leur départ. «Vers 3h30 ce matin, j'ai appris que je serais sur le prochain vol, expliquait à son arrivée Ketsia Leroy. On pouvait seulement apporter une petite valise. J'ai laissé le reste de mes bagages là-bas, on doit nous les envoyer plus tard. À partir de là, quatre autobus sont venus nous chercher à l'ambassade. Il y avait un homme armé qui gardait la porte de chacun. Les autobus étaient escortés jusqu'à l'aéroport par un pick-up.»

L'adolescente voyageait seule. Sa mère est restée à Haïti pour s'occuper de sa grand-mère, coincée à Jacmel.

Son père l'attendait à son arrivée, visiblement soulagé. «Nous avons été bien traités à l'ambassade», tenait-elle à dire aux journalistes présents.

Sans autorité, le chaos

Devant l'hôtel Wyndham, certains sortaient les yeux rougis, l'air hagard. D'autres souriaient de soulagement. Mais la plupart affichaient un visage grave et placide, comme prisonniers des souvenirs qui ne risquent pas de s'effacer bientôt. «Tout est démoli. Le Palais national, le Palais de justice, les universités, les hôpitaux, tout», laisse échapper Frank Lafontant. Il conduisait au moment du séisme. «Ma voiture ballottait comme un bateau, et les murs tombaient, se souvient-il. J'ai laissé ma voiture dans la rue pour retourner chez nous. Ça m'a pris cinq heures pour y retourner. Mais comme il risquait d'y avoir d'autres secousses, je ne pouvais finalement pas rester chez nous. Alors je suis retourné dormir dans ma voiture. Dans les rues, le spectacle est affreux. C'est l'horreur.»

Le chaos règne encore à Port-au-Prince, explique Robert Charles. «Le problème, c'est qu'il n'y a pas de structure. Il n'y a pas d'autorités, pas de consignes données à la population. Les gens sont laissés à eux-mêmes, ils se promènent entre les cadavres et ils dorment à côté, par terre. Ils n'ont rien à manger. Ils n'ont rien à boire. Ça devient dangereux.»