Haïti doit être reconstruit avec des infrastructures et des bâtiments plus solides. Mais un tel - et vaste - projet doit se faire sans brûler les étapes et, surtout, en faisant participer la population locale à long terme.

C'est là l'opinion de Gonzalo Lizarralde, professeur à la faculté de l'aménagement de l'Université de Montréal. Avec d'autres universitaires québécois, M. Lizarralde songe à organiser un colloque international sur la question dans les prochains mois.

 

«Nous sommes en train d'établir certains principes qui devront être respectés dans n'importe quelle intervention, dans quelques mois, quand on va recommencer la reconstruction permanente, a-t-il dit en entrevue à La Presse. Et l'un de ces principes est qu'il faut faire confiance au peuple. Nous l'avons constaté dans des catastrophes précédentes.»

Quatre jours après le tremblement de terre, l'idée d'appliquer une espèce de plan Marshall à Haïti est devenue la saveur du jour. En gros, de nombreux experts et politiciens affirment qu'il faut «profiter» de l'importance de la catastrophe pour reconstruire tant les infrastructures que les institutions et les résidences avec des matériaux plus solides et plus résistants. Bref, donner à Haïti de meilleurs bâtiments, ce qui serait déjà une épine de moins au pied de ce pays qui collectionne les catastrophes naturelles et les cas de corruption.

M. Lizarralde n'est pas réfractaire à un tel plan Marshall (du nom du grand plan de reconstruction de l'Europe à la suite de la Seconde Guerre mondiale). Il se dit aussi conscient qu'il sera «très difficile» de faire confiance dans un pays aussi pauvre et corrompu qu'Haïti.

«Mais c'est incontournable, poursuit-il du même souffle. Il faut faire confiance aux organisations locales, aux familles et aux gens sur place. Ça veut même dire leur donner la possibilité de gérer les ressources.»

À court terme, il est d'accord pour que la communauté internationale prenne les choses en main et qu'elle confie le travail à des entreprises solides, connues, sérieuses. Mais à long terme, il faut un plan structurant que dirigera la population.

«À long terme, enlever la capacité de décision des organisations locales, des municipalités ou des familles, ce n'est pas une bonne stratégie, dit-il. Car à long terme, les changements structurants et stratégiques ne vont pas se réaliser.»

Il donne l'exemple de l'ouragan Mitch, qui a frappé l'Amérique centrale à l'automne 1998. «Après l'ouragan, beaucoup d'organismes internationaux et d'ONG sont venus. Ils ont travaillé trois ans pour ensuite quitter les lieux, qu'ils ont laissés dans le même état qu'avant. Quand ils partent, ils partent avec les ressources aussi. Ce qui reste est insuffisant pour qu'à long terme les gens puissent vraiment rétablir l'économie et les institutions.»

Un plan Marshall, oui, mais «à condition qu'on soit prêt à confier la prise de décision et la responsabilité aux autorités locales», poursuit-il. Et pour transformer ces ressources, cette expertise, une partie du travail passera par l'éducation de décideurs locaux.

«Le travail devra être accompagné par de l'assistance technique, logistique et éducative», a confirmé le professeur.

Selon les premières estimations, entre 10 et 20% des bâtiments de la capitale haïtienne, Port-au-Prince, sont détruits. Une bonne partie des infrastructures sont en ruine. Il faut s'attendre à ce que la facture soit très élevée.

Une fois la phase des secours terminée, celle du nettoyage des dégâts s'amorcera. Puis, la reconstruction. Les infrastructures devront passer avant les habitations, dit M. Lizarralde; des photos de belles maisons neuves, c'est bien beau et ça donne beaucoup de mérite aux ONG, mais on ne doit pas mettre la charrue devant les boeufs.