Un jeune homme au pied à moitié arraché gémit sur une civière placée sous les arbres, dans la cour extérieure du Kings Hospital, situé le long d'une route de terre de la Petite Place Cazeau, un quartier de la capitale, Port-au-Prince.

Le Dr Hubert Morquette désinfecte la plaie du jeune homme en faisant un signe de tête pessimiste, puis passe rapidement au patient suivant en donnant des instructions à un infirmier. L'Haïtien qui dirige ce petit hôpital, financé grâce à des donateurs américains, travaille du matin au soir depuis le séisme.

Une quinzaine de personnes, dont plusieurs ont un soluté au bras, sont ainsi couchées sur des civières sous les arbres. «On ne veut pas prendre le risque qu'une nouvelle secousse les mette en danger à l'intérieur de l'hôpital», explique le Dr Morquette en soulignant que ce ne sont pas des conditions idéales pour soigner des malades. «Les gens arrivent ici avec des plaies très, très sales. Je crains les épidémies avec tous ces cadavres en décomposition un peu partout», poursuit le père de famille dont les trois enfants vivent à Montréal.

Deux patients sont morts dans ses bras depuis deux jours. Il affirme qu'il continuera à soigner tous les malades qui se présenteront tant qu'il aura du matériel pour le faire.

Debout sous un arbre, Ralph Alcide, un Lavallois d'origine haïtienne, est aux côtés de sa grand-mère. Il a réussi par miracle à la sortir des décombres de la maison à deux étages du quartier de Tabarre que la mère de Ralph partage avec elle. La vieille dame s'en tire avec un bras cassé. M. Alcide a décidé de prolonger ses vacances en Haïti pour donner un coup de main à sa famille.

Une blessée arrive, couchée dans la boîte d'un camion. L'adolescente a du mal à articuler que son école est tombée sur elle. Elle a un trou béant dans une joue. «Je vais vous faire un pansement et vous devrez faire attention à ne pas l'infecter», lui explique le Dr Morquette. L'ado a du mal à garder les yeux ouverts.

Kings Hospital n'est pas le seul hôpital de la capitale qui doit aujourd'hui soigner ses patients en plein air. L'un des hôpitaux de Médecins sans frontières, l'hôpital de la Trinité, dans le quartier Delmas 19, s'est effondré. Des patients n'ont pas réussi à sortir. Michelle Chouinard, une Canadienne responsable des opérations terrain de Médecins sans frontières en Haïti, n'a aucune idée du nombre de patients qui sont restés prisonniers des ruines.

Le personnel donne maintenant ses soins dans la cour de l'hôpital, à côté des débris où sont ensevelis les cadavres. «On voit surtout des fractures ouvertes. Beaucoup, beaucoup de plaies ouvertes», insiste la jeune femme, rencontrée à l'aéroport, hier, où elle attendait des médecins américains qui devaient venir en renfort.