Après avoir vu l'horreur et vécu l'enfer, les premiers ressortissants canadiens victimes du séisme à Haïti sont rentrés au bercail cette nuit. Le retour fut émouvant pour les quelques 200 rescapés et leurs proches.

Larmes, cris et longues étreintes ont perlé les retrouvailles. Sur toutes les lèvres, le même mot : cadavres. 

«C'était un tableau apocalyptique, il y avait des cadavres partout», a raconté Franky Narcisse, un pasteur de la région d'Ottawa. «Haïti était à l'agonie, on vient de l'achever. Je prie pour qu'elle soit ressuscitée.»

 

«On a vu plus de 1000 cadavres dans les rues», a ajouté Carlenry Blizaire, qui a marché près de 15 kilomètres avec sa copine Sara Makta Collin pour se rendre de la maison où ils étaient hébergés à Port-au-Prince jusqu'à l'aéroport. «J'ai vu des choses que je n'avais jamais même vu à la télévision. Je ne pourrai jamais oublier.»

 

Les premiers citoyens du Canada à être évacués d'Haïti sont arrivés à l'aéroport Pierre-Eliot-Trudeau à bord d'un avion cargo un peu après 1h00 ce matin. Les 107 voyageurs ont été transportés à l'hôtel Wyndham où leurs proches les attendaient dans le lobby. Ils ont également reçu de l'aide psychologique et médicale. Un second groupe de 102 personnes a atterrit vers 2h30 et un troisième contingent de 63 personnes était attendu vers 5h00 ce matin.

 

Selon le directeur régional de la Sécurité civile du Québec, Yvan Leroux, deux personnes ont été transportées à l'hôpital à leur arrivée et environ 10% des rescapés étaient des mineurs.

 

Camille Tremblay, un consultant en coopération internationale à bord du premier vol, a raconté que plusieurs passagers étaient en état de choc. «Plusieurs répétaient toujours les mêmes paroles, on voyait qu'ils souffraient de stress post-traumatique.»

 

«Haïti est un pays que j'aime beaucoup», a-t-il ajouté au bord des larmes. «J'ai trouvé cela difficile de quitter, de voir tous ces cadavres dans les rues. Mais ça ne m'empêchera pas de revenir. Pour l'instant, ce qui presse c'est l'aide d'urgence et la reconstruction, mais tout est à refaire, on part à moins vingt.»

 

«Je suis en vie et je ne sais pas pourquoi», a lancé un autre homme à sa famille dans le lobby de l'hôtel en montant les ecchymoses sur ses bras. «J'étais au rez-de-chaussée d'un immeuble qui s'est complètement effondré, je toussais, je ne voyais rien, j'avais la chienne. C'est un miracle que je sois ici.»

 

Au cours des prochains jours, des centaines d'autres Canadiens devraient rentrer au pays. Selon le ministère des Affaires étrangères, environ 6000 ressortissants canadiens s'y trouvent.

 

«Vous pouvez être sûrs que dès qu'il y aura des avions pour rapatrier d'autres citoyens canadiens, nous allons les remplir», a déclaré ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, lors d'un point de presse à l'aéroport en fin de soirée hier. «On ne va laisser personne derrière.»

 

À l'hôtel Wyndham, plusieurs personnes ont espéré le retour de proches dont ils étaient sans nouvelles, en vain.

 

«Je pense que c'est ce que j'ai trouvé le plus difficile aujourd'hui», a affirmé Anick Larosilière. «Nous, on savait que mon oncle, ma tante et mes deux cousines devraient arriver d'une minute à l'autre, mais il y a des personnes qui sont ici simplement par espoir de voir leurs proches descendre de l'autobus. Ça me brise le coeur de savoir que leur attente se poursuit alors que la nôtre est pratiquement terminée.»

 

Photo: André Pichette, La Presse

L'auteur Dany Laferrière est rentré au pays hier soir.