Les Haïtiens s'apprêtaient à passer une troisième nuit dans le chaos au milieu des ruines, de la puanteur des cadavres et de la violence des rues après le séisme de mardi, tandis que l'afflux d'aide internationale se heurtait à un casse-tête logistique.

De 40 000 à 50 000 personnes pourraient avoir péri, selon une estimation communiquée jeudi par Xavier Castellanos, directeur pour les Amériques de la Fédération internationale de la Croix-Rouge.

Des responsables politiques haïtiens avaient parlé la veille de 100 000 morts, et des millions de personnes se retrouvent dans le dénuement dans ce pays, le plus pauvre du continent américain, après ce tremblement de terre d'une magnitude de 7,0 qui a détruit bâtiments publics et habitations. Beaucoup s'apprêtaient à passer à nouveau la nuit à la belle étoile, craignant les répliques.

Toute la journée, des milliers de personnes ont erré au milieu d'une odeur de putréfaction dans les rues de Port-au-Prince, pleines de corps sans vie gisant sur les trottoirs et les bas-côtés tandis que d'autres restaient coincés sous les décombres.

L'espoir de trouver des survivants s'amenuisait d'heure en heure, plus de 48 heures après la catastrophe, et les habitants déblayaient à mains nues tout ce qu'ils pouvaient, dans une ambiance de plus en plus tendue devant le manque de secours, sur fond de coups de feu épars et de pillages.

«Si l'aide internationale n'arrive pas, la situation peut très vite dégénérer. On manque d'eau, de nourriture», prédit Lucila, installée sur le pas de sa porte, tandis qu'un passant lance: «plus de médecins, moins de journalistes» au passage d'une équipe de télévision.

Les secours affluent mais le port est détruit et l'aéroport de Port-au-Prince a du mal à suivre avec une seule piste, terriblement encombrée.

Des contrôleurs aériens sont arrivés des États-Unis, ainsi que du personnel pour aider au chargement et au déchargement des avions. Mais pendant des heures précieuses avant que l'aéroport ne redevienne opérationnel 24 heures sur 24, il a fallu retenir le trafic aérien pour cause de saturation.

Plus d'une trentaine de pays participent aux efforts sur place, selon un porte-parole du département d'État américain. Huit équipes de recherches des victimes étaient jeudi sur le terrain à Port-au-Prince, soit quelque 260 personnes.

Des sauveteurs islandais, américains, espagnols, chiliens, français, canadiens, vénézuéliens et chiliens, avec des chiens et des tonnes de matériel étaient à pied d'oeuvre. Des Britanniques s'apprêtaient à les rejoindre depuis la république dominicaine voisine.

Mais les sauveteurs se plaignaient de devoir travailler dans l'insécurité la plus totale et sans que les autorités locales ne soient capables de coordonner leurs efforts.

Et les communications étaient toujours en piètre état et les déplacements entravés par des routes détruites ou bloquées par les débris.

De nombreux pays ont été touchés par le séisme avec des morts, des blessés et des disparus, le Brésil étant le plus meurtri avec au moins 15 décès dont 14 Casques bleus. L'ONU a annoncé jeudi un total provisoire de 36 morts au sein de son personnel et quelque 200 disparus.

Six Français ont péri, de même que quatre Canadiens. Le département d'État a fait état jeudi d'un premier décès américain confirmé, une diplomate. D'autres pays comptaient des morts et certains étaient sans nouvelles de leurs ressortissants.

Quelque 200 Français devaient être évacués jeudi soir de Port-au-Prince. Les États-Unis avaient évacué des blessés vers la base navale de Guantanamo, à Cuba, dont l'ambassadeur d'Espagne en Haïti.

Les présidents français et américain Nicolas Sarkozy et Barack Obama ont promis de préparer une conférence internationale pour la reconstruction d'Haïti.

«On ne va pas vous laisser seuls, on ne vous oubliera pas», a lancé Barack Obama au peuple haïtien, assurant que les États-Unis se «tiendraient aux côtés» de leur voisin du sud. Le gouvernement américain a annoncé 100 millions de dollars d'aide, et quelque 5,9 millions de dollars de dons individuels avaient été recensés jeudi soir aux États-Unis.

La Banque mondiale et le FMI ont chacun annoncé une aide de 100 millions de dollars. Le géant d'internet Google, le couple d'acteurs hollywoodiens Brad Pitt en Angelina Jolie, les banques Morgan Stanley et Bank of America ont chacun promis un million de dollars.

Mais la mobilisation prenait des formes multiples et parfois inattendues. Le croisiériste Royal Caribbean a décidé de reprendre ses escales en Haïti, à la fois pour donner un coup de pouce au tourisme et pour convoyer de l'aide grâce à ses paquebots.

Et tandis que le Canada, où la communauté haïtienne est nombreuse, étudiait des mesures pour faciliter l'immigration des ressortissants haïtiens, le Brésil proposait la création en Haïti d'un cimetière pour les adeptes du culte vaudou, une pratique religieuse commune aux deux pays, afin d'éviter que les morts n'ayant pas eu droit à un enterrement rituel ne continuent de joncher les rues.