La communauté haïtienne du Canada est heureuse de constater qu'Ottawa a entrepris de venir en aide à la Perle des Antilles, secouée mardi par un puissant séisme, mais, au bord du désespoir, elle lui demande d'accélérer le pas.

«Nous sommes dans une situation d'urgence: il n'est plus question d'aller étape par étape, a insisté jeudi en entrevue Sauveur Jean-Baptiste, pasteur de l'église de la Nouvelle Jérusalem, à Montréal. Il faut aller sur les lieux. Il faut une intervention spontanée. Le besoin est criant. Le besoin est pressant. Il faut mettre le pied sur la pédale jusqu'au fond. Il me semble que le pied est sur le frein.»

Le pasteur Jean-Baptiste, qui demeure sans nouvelles de plusieurs membres de sa famille, a tenu ces propos après avoir participé à une rencontre, jeudi, avec entre autres le ministre fédéral des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, et l'archevêque de Montréal, le cardinal Jean-Claude Turcotte.

La réunion, à laquelle participaient aussi une dizaine de leaders de la communauté haïtienne, avait lieu à Montréal, où se trouve son coeur.

M. Jean-Baptiste voudrait aussi qu'on permette aux Canadiens d'origine haïtienne d'accueillir leurs proches ici.

Les ministères fédéral et québécois de l'Immigration évaluent présentement la possibilité de permettre à des Haïtiens de venir s'installer rapidement au Canada, a-t-on justement appris jeudi. Il est notamment question de lever certains frais, d'accélérer le processus de réunification des familles, et peut-être même d'élargir les critères identifiant ceux qui peuvent bénéficier d'une telle réunification.

Mais l'annonce de règles plus souples ne se fera pas tout de suite, a averti le premier ministre Stephen Harper dans une brève déclaration à Ottawa en fin d'après-midi.

Il a souligné qu'en ce moment, l'ambassade canadienne à Port-au-Prince n'est pas en mesure de traiter des demandes d'immigration. «La réalité est que c'est une situation, sur le terrain, qui est non fonctionnelle», a-t-il fait valoir.

Lors de la conférence de presse qu'il a donnée en compagnie du ministre Cannon, M. Tremblay a semblé trouver lui aussi que les autorités mettent trop de temps à s'organiser.

«Il y a des gens qui meurent, présentement, a-t-il laissé tomber. Il y a des gens qui ont besoin de soins. Il y a des médecins, des infirmières qui sont prêts à se rendre sur le terrain dans les plus brefs délais.»

La maire Tremblay a rappelé que la police de Montréal a souvent envoyé des policiers à Haïti. Quarante-deux sont d'ailleurs là-bas en ce moment. «On a une soixantaine de policières et policiers qui parlent français -il y en a plusieurs qui parlent également créole- qui sont prêts à retourner sur le terrain», a-t-il déclaré. À cela s'ajoutent une quarantaine de pompiers.

M. Cannon a pris bonne note de l'offre du maire. «C'est une chose de dire qu'on est prêt à envoyer X nombre de personnes, mais c'est une autre chose de les accueillir, de les loger, de s'assurer qu'ils ont les facilités nécessaires pour pouvoir conduire et faire leur travail, a-t-il toutefois fait remarquer. C'est la raison pour laquelle nous avons déployé dès les premiers instants cette équipe de reconnaissance-terrain.»

Dans le centre communautaire montréalais où s'était déroulée la réunion, une centaine de personnes semblaient chercher du réconfort.

Parmi elles, une jeune femme en larmes a expliqué qu'elle ignore encore ce qu'il est advenu de plusieurs membres de sa famille, incluant son mari, son père et sa soeur d'à peine quatre ans qu'elle élève comme sa propre fille depuis le décès de leur mère.

«Ils disent que (la secousse) est venue de la mer, a raconté en tremblant Stones Jean-Louis, âgée de 25 ans. Si c'est venu de la mer, c'est sûr que je n'ai plus de famille, parce qu'ils habitent près de la mer.»

Jean-Robert Aurélien, lui, se demande si sa soeur Marie-Lourde est toujours en vie. Son avion avait décollé du Canada mardi et elle est vraisemblablement arrivée à Haïti dans les heures précédant le tremblement de terre. Il n'a pas pu la rejoindre.

«Je vis un stress à la seconde, a reconnu l'homme dans la quarantaine. On ne sait pas ce qui lui est arrivé ni ce qui va lui arriver. Elle est prise là-dedans.»Arrivée des premiers évacués

Les premiers Canadiens évacués d'Haïti doivent arriver à l'Aéroport Pierre-Elliott-Trudeau jeudi soir vers 23 h 30. Une centaine avaient été évacués vers la République dominicaine d'où ils devaient repartir en direction de Montréal.

Le premier ministre Jean Charest a indiqué en fin d'après-midi à Québec que le gouvernement provincial prenait les mesures nécessaires pour assurer la bonne marche de l'opération d'accueil. «Quand ces gens-là arriveront, on va identifier ce dont ils ont besoin, d'abord sur le plan médical, parce qu'on s'attend à recevoir des gens qui auront été blessés», a-t-il dit.

Plusieurs dizaines de Canadiens sont encore aux abords de l'ambassade à Port-au-Prince, dont le bâtiment n'est plus sécuritaire. Les Canadiens patientent dans des tentes en attendant les prochaines évacuations.

M. Cannon a également admis s'attendre à d'autres mauvaises nouvelles maintenant qu'on sait qu'au moins trois Canadiens sont assurément morts. «Malheureusement, nous nous attendons à d'autres confirmations de décès à mesure que les opérations de secours s'intensifient,» a-t-il reconnu.

Les premiers militaires canadiens sont arrivés à Port-au-Prince et participeront aux recherches, aux secours ainsi qu'à l'évacuation des Canadiens.

Les avions canadiens ont commencé à arriver à Haïti mercredi et jeudi. Ils livrent du matériel médical et de l'équipement de secours. Des militaires membres de l'Équipe d'intervention en cas de catastrophe (DART) se trouvaient également à bord du premier des appareils. Deux navires sont aussi en route.

Le gouvernement fédéral a de plus annoncé qu'il versera une contribution égale à celle que feront les citoyens canadiens pour venir en aide à Haïti, jusqu'à un maximum de 50 millions $. Si les Canadiens en donnent autant, un total de 100 millions $ sera distribué aux organismes humanitaires sur place.

Le gouvernement fédéral n'exclut pas, d'autre part, d'augmenter l'aide totale qu'il accorde à Haïti. «Nous ferons ce que nous devons faire», a assuré M. Cannon sans faire de promesses plus précises.