Moins de 48 heures après le séisme, Port-au-Prince sombrait dans le chaos jeudi, coups de feu et scènes de pillage se mêlant aux efforts des sauveteurs pour dégager des survivants, alors que l'afflux d'aide risquait d'être entravé par la fermeture de l'espace aérien.

Le bilan humain de la catastrophe pourrait dépasser les 100 000 morts et laisser des millions d'Haïtiens dans le dénuement.

«Le gouvernement haïtien (...) nous a dit ne plus accepter de vols pour le moment dans l'espace aérien haïtien car l'aéroport de Port-au-Prince est saturé», a indiqué à l'AFP la porte-parole de l'autorité américaine de l'aviation civile (FAA), Laura Brown.

«Il y a actuellement un avion militaire américain et dix appareils civils qui tournent au-dessus de Port-au-Prince, attendant que d'autres avions quittent l'aéroport pour pouvoir s'y poser», a-t-elle précisé.

Alors que l'aéroport était engorgé par l'afflux désordonné de l'aide et des secouristes, le coeur de Port-au-Prince offrait des scènes de désolation.

Les bâtiments officiels broyés, dont le palais présidentiel et des ministères, trahissent l'état d'impuissance dans lequel se trouvent les institutions haïtiennes, alors que plusieurs membres du gouvernement seraient toujours portés disparus.

En l'absence des Casques bleus, occupés à fouiller les ruines, et eux-mêmes touchés comme jamais auparavant avec la perte de 36 personnes dans l'effondrement du quartier général de la Mission de stabilisation de l'ONU en Haïti (Minustah), les rues de la capitale surpeuplée étaient le théâtre de pillages et de tirs.

«Nous entendons de nombreux coups de feu sans pouvoir préciser d'où ils viennent. Les pillages ont commencé dans les supermarchés qui se sont écroulés partiellement», a raconté un porte-parole de l'ONG brésilienne «Viva Rio», Valmir Fachini, dans un courriel à l'AFP.

Dans l'espoir de stabiliser la situation, les États-Unis ont envoyé de nouveaux renforts militaires, en plus de ceux arrivés mercredi qui ont sécurisé l'aéroport.

Le Pentagone a ordonné l'envoi en début de journée de la 82e brigade de l'armée de Terre, soit 3500 hommes, dont une centaine doivent arriver sous peu, alors que 2000 Marines se préparent à partir sur un navire amphibie.

Un porte-avions nucléaire est également attendu vendredi.

«On ne va pas vous laisser seuls, on ne vous oubliera pas», a lancé le président américain Barack Obama au peuple haïtien lors de sa deuxième intervention solennelle en 24 heures, annonçant le déblocage de 100 millions de dollars.

En plus de participer au maintien de l'ordre, les GI's devront réparer les infrastructures clés de la capitale, dont les installations électriques ou les trois grues du port, sans quoi l'acheminement de l'aide sera bloqué.

«On va avoir affaire à un défi logistique majeur», a souligné à Genève la porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU.

La secousse, la plus forte dans ce pays depuis plus de deux siècles, a laissé d'innombrables sans-abri, et le Champ de Mars, célèbre avenue de Port-au-Prince, a été transformé en un gigantesque camp de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés.

Selon l'ONG britannique Save the Children, au moins deux millions d'enfants et d'adolescents ont été affectés, beaucoup étant blessés ou orphelins.

«Ma maison s'est écroulée. Mes deux frères Patrick et Grégory sont morts et on n'a toujours pas trouvé les corps», confie Francesca, 14 ans. «Maintenant, on espère trouver une maison pour dormir. Il n'y a que le bon Dieu qui puisse nous aider».

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a affirmé que le tremblement de terre avait fait «des dizaines de milliers de morts».

Selon l'ambassadeur haïtien en Espagne, Yolette Azor-Charles, il faudra attendre «au moins huit jours» pour pouvoir compter précisément le nombre de morts.

Dans les rues haïtiennes, les corps sont souvent alignés à même le sol, recouverts d'un drap. Faute de moyens, les survivants tentent de dégager des blessés à mains nues.

Dans les ruines, les corps sont restés figés dans la position qui était la leur au moment du drame: un couple surpris pendant la sieste, des fillettes recouvertes de poussière, des femmes presque dévêtues. Dans les carcasses de voitures restent des corps carbonisés.

À l'hôpital central de Port-au-Prince, les camions déchargent régulièrement des cargaisons de cadavres.

Et les survivants manquent de tout.

«Certaines personnes risquent de mourir de froid, de déshydratation ou de blessures qui auraient pu être facilement soignées», a relevé l'ancien président américain Bill Clinton, envoyé spécial de l'ONU pour Haïti.

Et alors que les gros-porteurs déchargeaient aide internationale et équipes de secouristes, les États-Unis, le Canada, ou encore la France commençaient à rapatrier leurs ressortissants.

Paris, qui a annoncé la mort de deux de ses ressortissants, a appelé à une «grande conférence» internationale pour la reconstruction.