«J'ai appelé mon père, et il me dit que c'est 100 fois pire que ce qu'on voit à la télé. Il me dit qu'ils marchent quasiment sur les cadavres. Tout est détruit», raconte Fabienne Colas, organisatrice du Festival du film haïtien. Comme d'autres Québécois d'origine haïtienne, elle observe le désastre de loin, impuissante.

«C'est comme notre 11 septembre à nous, dit Varda Étienne. C'est un véritable deuil national. Je voudrais prendre l'avion et aller aider, mais j'ai trois enfants chez nous. Je me sens impuissante. Tout ce que je fais, c'est regarder la télé et appeler mes amies», a-t-elle indiqué hier matin, alors qu'on entendait son autre téléphone sonner à chaque minute.Elle reste sans nouvelles de sa tante, une gynécologue de New York qui a pris sa retraite à Juvenat, au sud-est du centre-ville de Port-au-Prince. Elle a toutefois réussi à parler aux autres membres de sa famille et à ses amis, qui sont tous indemnes.

D'autres sont moins chanceux. Wesley Parent, du groupe de kompa Black Parents, est sans nouvelles de son père et de sa mère, qui passaient l'hiver en Haïti. Sans nouvelles aussi de sa cousine, qui serait ensevelie avec ses cinq enfants sous les décombres de sa maison. «On est très inquiets, confie-t-il. C'est la 20e maison de sa rue et les secours vont devoir s'occuper des 19 premières maisons avant d'arriver à la sienne. On prie Dieu parce qu'on croit. Mais je ne sais pas combien de jours ça va prendre avant qu'ils puissent les aider.» Il ajoute: «Je me sens impuissant. Ça tue. Je regarde ce qui se passe et je capote.»

Festival annulé

L'écrivain Stanley Péan doit encore se secouer la tête. «Si le sinistre avait eu lieu une journée plus tard, j'aurais été là-bas», lance-t-il. Il devait s'envoler hier matin à Port-au-Prince pour participer au festival littéraire Étonnants Voyageurs. En raison des circonstances, le rendez-vous littéraire a été annulé. «Aujourd'hui, c'est le sentiment d'impuissance qui m'habite», dit celui dont les cousins habitent Port-au-Prince.

Il se console en se disant que les écrivains qui devaient participer avec lui au festival sont encore en vie. Sur place, Dany Laferrière et Rodney Saint-Éloi ont échappé au désastre. Quant aux auteurs Nicolas Dickner et Michel Vézina, ils n'étaient pas encore partis à Haïti pour le festival. «On allait s'y rendre pour parler de positif, de littérature. Mais malheureusement, comme l'a souligné votre collègue Chantal Guy (qui était déjà à Port-au-Prince), c'est à cause d'un autre malheur qu'on parle maintenant d'Haïti. C'est dommage», raconte Dickner.

Michel Vézina se trouvait en Martinique lorsque nous l'avons joint. Son vol pour Port-au-Prince a été annulé. «Il n'y a que des avions militaires qui atterrissent», a-t-il expliqué. Il souhaite encore se rendre en Haïti, mais croit que ce sera seulement possible samedi.

Appel à l'union

La messagerie vocale de Luck Mervil était déjà pleine à 11 h hier matin, et son téléphone sonnait aussi constamment durant notre interview. Depuis le tremblement de terre, il dort peu et garde constamment contact avec Haïti. «J'ai reçu plusieurs appels pour participer à des événements, à des concerts-bénéfices», a-t-il rapidement lancé avant de devoir raccrocher pour prendre un autre appel.

Peu après, nous avons appris qu'un spectacle se déroulera le 21 janvier au Théâtre Telus pour amasser des fonds (voir autre texte). Luck Mervil et plusieurs autres artistes y participeront. «Nous verserons tous les dons à un organisme sérieux et établi», assure Martine St-Victor, une des porte-parole de l'événement.

D'ici là, plusieurs artistes se mobilisent pour aider Haïti. «Je vais me faire le porte-voix de ce qui se passe là-bas, déclare Stanley Péan, également animateur sur les ondes d'Espace musique. Je vais fouetter le moral des troupes.»

Son collègue Ronnie Dee, animateur du Son de la Caraïbe, l'émission de kompa à la radio CIBL, lance un appel à l'unité. «Le Palais présidentiel qui s'effondre, je le vois comme un message. Un message qui nous dit de mettre en pratique la vraie devise haïtienne, qui est «l'union fait la force». Pour une fois, espérons que l'on s'unisse plus que trois mois....»