Le Palais présidentiel effondré. Hôpitaux et écoles écroulés. Le quartier général de l'ONU et la cathédrale de Port-au-Prince tombés comme des châteaux de cartes. Détruite aussi la plus grande prison haïtienne, dont les détenus qui ont survécu à la secousse se sont enfuis. Des milliers de corps jonchent les rues ou sont prisonniers des décombres.

Au lendemain du séisme meurtrier qui a frappé la capitale haïtienne avec une force sans précédent mardi après-midi, les informations qui filtraient de Port-au-Prince donnaient l'image de la désolation absolue. En entrevue avec CNN, le premier ministre d'Haïti, Jean-Max Bellerive, a estimé que le nombre de morts pourrait «dépasser largement 100 000 personnes».

D'autres estimations ne vont pas jusque-là. Mais ce qui est clair, c'est que les victimes dans cette ville de 2 millions d'habitants se compteront par dizaines de milliers.

«On voit des blessés dans la rue, des cadavres étendus dans la rue sous un linceul ou écrasés par une auto», a indiqué à La Presse le Dr Marc Paquet, coordonnateur général de Médecins du monde Canada en Haïti. «C'est une vision d'horreur. Dans le bas de la ville, à peu près 80% des maisons sont détruites.»

Selon le Centre d'étude et de coopération internationale (CECI), qui a réussi à joindre ses représentants à Port-au-Prince, tous les immeubles de plus d'un étage se sont effondrés dans la capitale.

«Si le Palais présidentiel est tombé, c'est que tout est tombé», a dit avec consternation le chanteur québécois d'origine haïtienne Luck Mervil, qui a joint sa voix à l'appel à l'aide lancé mercredi par le CECI.

Le séisme n'a épargné personne dans la capitale de ce pays, qui a subi sa part d'épreuves au fil des ans - mais rien de comparable à ce qui s'est passé mardi.

«Mon palais s'est écroulé et ma maison s'est écroulée aussi», a dit le président René Préval à un journaliste de CNN qui l'a rencontré devant l'immeuble présidentiel.

«Où allez-vous dormir ?» lui a demandé le journaliste.

«Je ne sais pas», a répondu en toute humilité le président Préval. Il a annoncé la formation d'une cellule de crise «pour porter secours aux victimes et enterrer les morts».

«Toutes les morgues sont remplies, les hôpitaux débordent et il n'y a pas assez de médicaments.»

Hécatombe

Les témoins ne ménagent pas les épithètes pour décrire la dévastation qui règne dans les rues de la capitale. «Il y a beaucoup de cadavres, c'est une hécatombe», a dit l'ancien ministre québécois David Payne, joint par Radio-Canada, mercredi. L'ex-politicien dirige un programme d'appui au Parlement haïtien avec l'organisation USAID. Plusieurs de ses collègues se trouvaient toujours sous les décombres et il n'avait encore vu ni secouristes ni ambulances. Le réseau électrique était en panne et l'eau commençait à manquer. «Les gens commencent à avoir soif», a-t-il dit.

Parmi les victimes déjà connues figurent le chef de la mission des Nations unies en Haïti (MINUSTAH), Hédi Annabi, ainsi que son principal adjoint. Plus d'une centaine d'autres employés de l'ONU manquaient toujours à l'appel mercredi soir. L'archevêque de Port-au-Prince, Joseph Serge Miot, a été trouvé mort dans les ruines de son bureau.

Les réseaux téléphoniques défaillants rendaient toute communication avec Haïti extrêmement problématique, mercredi. Comme Luck Mervil, de nombreux Québécois d'origine haïtienne étaient rongés d'inquiétude dans l'attente de nouvelles de leurs proches.

La situation est d'autant plus dramatique que le séisme a détruit les installations des organisations censées secourir les victimes de catastrophes. Les trois cliniques de Médecins sans frontières (MSF) ont été durement touchées par le tremblement de terre, comme l'a indiqué le directeur des opérations Paul McPhun au cours d'une téléconférence, mercredi matin.

L'une des cliniques s'est carrément écroulée et les deux autres ont vu leurs structures trop endommagées pour que l'on puisse les utiliser en toute sécurité. Incapable, par conséquent, de répondre aux besoins médicaux de nombreux blessés, MSF doit se contenter de les «stabiliser» en attendant l'arrivée d'équipement médical d'urgence. D'autres sources indiquent que la Croix-Rouge est elle aussi dépassée par l'ampleur de la destruction.

Quant au bureau de Médecins du monde, «il est fissuré, mais il tient bon», a indiqué le Dr Marc Paquet, qui est allé porter de l'équipement médical et des médicaments à un hôpital de Cité-Soleil, mercredi.

Les premiers secours internationaux devaient arriver en Haïti tôt aujourd'hui. En attendant, les Haïtiens s'apprêtaient à passer leur deuxième nuit dans la précarité absolue, dans une ville livrée à elle-même, exposée à des risques d'épidémie et de nouveaux effondrements.

«Depuis quelques mois, Haïti allait mieux, on sentait que la société se prenait en main, a noté Luck Mervil. Et juste comme les bonnes nouvelles arrivaient, il y a ça.»

- Avec la collaboration d'Émilie Côté